La relance du festival national du théâtre professionnel, prévu du 25 mai au 3 juin prochain à Alger, après une interruption qui aura duré près d'une décennie, s'annonce avec une vive polémique, dont on perçoit déjà les premiers échos dans le monde du 4e art à Sétif. Au premier plan, ce sont les coopératives indépendantes de Sétif qui montent au créneau pour dénoncer leur marginalisation de la manifestation suprême du théâtre national. En fait, c'est le rejet de leur demande de participation au festival qui est à l'origine de la grogne. A ce jour, nous informe-t-on, aucune troupe de Sétif n'a reçu l'aval de se produire au festival. L'art exclusif Si, pour la Compagnie culturelle théâtrale de Sétif, la décision officielle de réunir exclusivement les théâtres de l'Etat (théâtres régionaux et TNA) relève de la souveraineté du commissariat du festival, la troupe El Hidhab, qui a formulé sa demande sous le couvert du directeur de la culture de Sétif, compte toujours, elle, sur un revirement de situation de dernière minute, pour accéder à la cour des grands. Par contre, les Compagnons de Nedjma, la coopérative théâtrale indépendante dirigée par Salim Bensdira, ne cessent, eux, de clamer haut et fort l'acte du « rejet de leur demande de participation ». Le problème soulevé se rapporte en fait à la définition de la notion de professionnalisme. Car, depuis la disparition du festival national du théâtre professionnel, il semble que le champ théâtral algérien a subi des bouleversements notables, avec la création des coopératives et troupes indépendantes qui sont en passe, aujourd'hui, de croiser le fer avec les « professionnels » et de concurrencer de manière féroce les théâtres de l'Etat. Les tournées que ces troupes ont faites à l'étranger, l'Année de l'Algérie en France en est pour elles l'exemple le plus convaincant, sont à ce titre une preuve et un indicateur du niveau du professionnalisme qu'elles ont atteint. La dernière occasion en date, les « Journées du théâtre professionnel de Sétif », a, selon les spécialistes, mis au grand jour le fléchissement des théâtres régionaux et du TNA, avec la consécration par le jury de bon nombre de coopératives indépendantes ou de leurs comédiens. A ce titre, Salim Bensdira peut s'enorgueillir du prix de la meilleure scénographie attribué aux Compagnons de Nedjma. « Le professionnalisme dépend de la capacité de réaliser un produit de qualité », affirme-t-il, en lapidant au passage, dans un doux euphémisme, les productions des théâtres institutionnels sur lesquels il tire à boulets rouges. M. Bensdira souligne la décadence manifeste caractérisant les productions de ces dernières années de la troupe du TNA, ainsi que les reprises du TRC qui ont près d'une quinzaine d'années d'existence. Au-delà des controverses et de la polémique générées par l'événement culturel et artistique, le témoignage d'un cadre du TNA, joint par téléphone, laisse cependant apparaître comme un espoir entre les grandes lignes de la nouvelle politique adoptée par le commissariat du festival qui, selon lui, balise le programme « contre les reprises et les reproductions » en avantageant les nouvelles productions. Flou artistique Ces déclarations, même si elles ne constituent pas une invitation à l'adresse des coopératives indépendantes, ni un appel du pied ou une ouverture, ne ferment cependant pas la porte à une possible participation. La disqualification des théâtres indépendants n'est pas encore prononcée. En effet, dès l'annonce du retour du festival national du théâtre professionnel, on a souligné son ouverture et son intention d'impliquer le théâtre indépendant, sans pour autant préciser la section qui lui sera ouverte. C'est sans doute ce flou artistique qui fait réagir les troupes de ce théâtre. D'autant plus que, imprégnées des règles économiques, celles-ci ont été amenées à axer inévitablement, leur politique sur la production et, par-delà, sur la création. Ce qui leur a d'ailleurs valu d'être primées au festival de Sidi Bel Abbès, de Sétif ou à l'étranger. Aussi, considèrent-elles qu'elles sont des agents actants incontournables pour donner « un nouveau visage au théâtre algérien et un nouveau souffle pour son redéploiement sur la scène culturelle et artistique ». A. B