Le 40 ème vendredi de la contestation populaire à Sétif a connu une remarquable affluence. Ils étaient entre 10 et 15 000 manifestants à rejoindre le hirak cet après midi du 22 novembre 2019. Partis du lieu habituel de rassemblement au centre ville, les marcheurs ont ciblé les quartiers populaires connus pour leur fronde sociale : parc à fourrage, faubourg supérieur de la gare, Bekhouche, Tandja, Ras idour, Essaa, El Garita, 500 lgts (ex El Feraille)… Cela a porté largement ses fruits. Au fur et à mesure de son avancée, la marche protestataire bien bruyante et festive même, s'est gonflée de centaines de citoyens de tout âge venus la rejoindre pour partager cette communion collective. La foule, on le sait depuis longtemps, est contagieuse et virale. Et puis, les slogans du hirak font mouche chez le petit peuple aigri par les promesses non tenues, par la corruption et la prédation. La jeunesse de ces quartiers socialement défavorisés, trainant comme un boulet sa mal-vie, constitue un terreau propice à la contestation. Sur la longue rue Zaabat Ramdane (ex rue de Sillègue) les youyous éclatent des balcons et fenêtres. Galvanisés par ces cris ancestraux de femmes, les slogans des marcheurs redoublent de vigueur et de férocité. On y entend soudain « El hirak wadjeb watani » (traduire participer au hirak est un devoir national) alterné par « makanche el intikhabat maa el issabat » (pas d'élection avec les gangs). En ce vendredi 22 novembre, la bannière berbère se refait discrète, 4 de ses porteurs ont été arrêtés au début du rassemblement. Pourtant quelques téméraires manifestants continuent de la brandir systématiquement juxtaposée aux couleurs nationales pour marquer leur double et compatible attachement. C'est le drapeau palestinien qui prend la relève aux cotés de l'emblème national. De par sa propre histoire, celle du long calvaire colonial, le peuple algérien demeure réellement très solidaire du peuple palestinien victime de la barbarie sioniste. Aux abords du Titanic, curieuse appellation d'un imposant bâtiment privé érigé dans les quartiers du nord de Sétif, l'impressionnante procession de milliers de manifestants a marqué une brève halte en entonnant en chœur quelques uns des plus remarquables slogans du hirak conclus par un émouvant « Listiklal, listiklal, listiklal » (L'indépendance). Le hirak à Sétif, comme partout ailleurs, est radicalement hostile à l'organisation de l'élection présidentielle en présence du personnel politique impliqué dans la gouvernance désastreuse de l'ex président dégagé. Et le profil politique des candidats, tous issus de ce personnel disqualifié a, d'évidence, contribué, lui aussi, à accentuer la perte de confiance pourtant indispensable au règlement de la grave crise actuelle qui fragilise la cohésion nationale. Après avoir parcouru le long boulevard des entrepreneurs, les manifestants ont paisiblement rejoint par El Ararsa le boulevard de l'ALN d'où ils entamé leur marche. Mais si les slogans sont radicaux, la manifestation est restée éminemment pacifique : aucun incident ni affrontement ni dégradation ne sont à déplorer tout le long du trajet du hirak sur près de 8 km. Les discrets leaders du hirak veillent contre les éventuels débordements ou provocations et autres incivilités. C'est ainsi qu'une tentative de marche vers le commissariat central de la ville pour protester contre l'arrestation de 4 hirakistes a été rapidement déjouée par ceux là même que d'aucuns méprisent et traitent de voyous. Les femmes manifestantes sont, elles aussi, entourées discrètement de toutes les attentions. Je crois que le hirak à Sétif, et certainement partout ailleurs, mérite d'être mieux écouté. De par sa composante sociale et transgénérationnelle, traversée elle-même par des divers courants politiques de notre temps, il constitue sans doute une force saine et positive pouvant contribuer au redressement salutaire de notre nation. Cette nouvelle force tranquille, gouailleuse et frondeuse qui a forcé la sympathie des regards du monde a besoin d'être préservée. H.ZITOUNI.