La ville de Sétif était, autrefois, une ville propre, considérée comme la plus propre du pays, aux marchés et rues les plus entretenus. La gestion était assurée par des Sétifiens respectant les règles élémentaires d'assainissement de la ville, ou voirie, avec nettoyage et ramassage journalier des ordures ménagères, curage et désinfection hebdomadaire des marchés. Au niveau des artères principales de la ville, les caniveaux et autres réseaux d'évacuation des eaux usées (vannes et pluviales) étaient régulièrement entretenus. Aujourd'hui, c'est un autre décor qui s'offre à la vue des visiteurs. Des odeurs nauséabondes et pestilentielles se dégagent des marchés. Des caniveaux non curés, jonchés d'immondices où stagnent des eaux dans certains quartiers et cités. Le cadastre, plan directeur de la ville n'est plus consultable parce que les décideurs n'en jugent plus l'utilité. Alors les zones ont totalement disparu. Les réserves foncières publiques sont passées dans la spéculation foncière. Les espaces verts n'existent plus au profit de constructions privées. Si bien qu'aucune structure publique ne peut être agrandie par manque d'espace. La ville connaît aussi de plus en plus un engorgement permanent de ses principales artères routières. En effet, sétif a vu sa population augmenter de façon exponentielle avec l'accentuation du phénomène de l'exode rural. La plupart de ces populations, qui sont généralement sans aptitudes techniques avérées, viennent grossir le monde des petits métiers et du petit commerce. Etant donné que la ville n'offre pas à tous des espaces aménagés pour exercer ces métiers, il ne leur reste qu'à occuper tous les coins et recoins d'où ils pourraient susciter l'attention d'une clientèle de plus en plus agacée par les bousculades du marché ou pressée d'accomplir ses achats. Ainsi, les abords des grandes artères de la ville sont devenus des places pour le commerce informel. Les autorités semblent elles-mêmes accepter le fait accompli ou fermer les yeux sur un phénomène qui tend à rendre la ville invivable. L'illustration la plus éloquente est fournie par le cas du marché Abacha-Amar. C'est un grand bazar à ciel ouvert qui jouxte le nouveau siège du tribunal de Sétif et les cités résidentielles, installé de façon anarchique au cœur de la ville. Ce souk polarise toute la population sétifienne. C'est alors qu'en son sein se sont développées rapidement des activités commerciales qui ont fini par faire de ce lieu un marché bien établi. Dès l'aube, des centaines de vendeurs prennent d'assaut le site, étalant leurs marchandises dans un vacarme indescriptible, au grand dam des habitants de la cité qui sont obligés de s'accommoder de cette situation après la démission totale des pouvoirs publics. Vers le crépuscule, le marché informel lève le camp, laissant derrière lui un véritable désastre. Sachets en plastique, cartons, fruits et légumes pourris, et autres produits jonchant le sol, on se croirait dans une décharge publique. Vers la nuit tombée, les employés de la commune s'attellent à faire disparaître, mais à quel effort, toute cette montagne de saleté et de détritus, en savant pertinemment que le lendemain ce sera le même décor. Et dire que ces vendeurs ne sont assujettis à aucune taxe ni impôt. Sur un autre chapitre, c'est peu dire aujourd'hui que les Sétifiens ou plutôt bon nombre de Sétifiens n'ont pas froid aux yeux. Et chaque jour que Dieu fait, on assiste régulièrement à des actes et comportements qui suscitent souvent l'indignation, voire la colère. Dans la ville de Sétif, l'incivisme a visiblement pignon sur rue. La vie y est rythmée par une course effrénée au mieux-être. Nul n'ignore que la conjoncture économique qui y sévit depuis environ une décennie a fini par bouleverser certaines habitudes, contraignant ainsi la population à sortir de son mutisme et à s'engager dans la bataille pour des lendemains meilleurs. Et c'est dans un tel contexte que des initiatives sont développées çà et là dans le but non seulement de se faire une place au soleil, mais également de contribuer au développement de la cité. Mais encore faut-il que tout cela se déroule dans le strict respect des règles qui régissent la société. Toujours est-il que de nos jours, l'incivisme est en train de gagner du terrain à Sétif avec des scènes qui suscitent des questionnements sur le rôle, voire l'existence des autorités. Un exemple éloquent. Au niveau de l'avenue Abacha- Amar, s'y déroulent chaque jour des scènes désobligeantes. Les bus de la ligne 21 desservant la localité de Aïn-Trik, ou encore ceux des lignes 7 et 18 bloquent carrément la circulation en stationnant au beau milieu de la route pour faire descendre leurs voyageurs sans se soucier des usagers de la route. Cette situation crée des embouteillages indescriptibles sur cette chaussée très fréquentée, et cela, au grand dam des automobilistes complètement médusés et qui n'ont d'autre choix qu'à faire des détours. Tout se passe alors comme si les conducteurs de ces bus sont au-dessus de la loi. Des usagers alors de se demander ce que font les autorités dans cette ville où les règles qui régissent la circulation sont de plus en plus bafouées. Comme c'est le cas de ces automobilistes, qui dès la nuit tombée, après le départ des agents de la circulation, font fi du code de la route et font régner leur diktat. Feux tricolores ‘'brûlés'', non-port de la ceinture de sécurité, panneaux d'obligation non respectés... Ces chauffards profitent de l'absence de la police pour imposer leur loi. De tels actes d'incivisme, on en voit presque tous les jours dans les rues de Sétif comme si les services de maintien d'ordre n'existaient pas. Une indifférence qui a eu pour conséquence de créer une grande anarchie sur certaines artères où les accidents sont devenus monnaie courante. La situation, malheureusement, va de mal en pis, car outre ces usagers de mauvaise foi, on assiste de nos jours à un autre phénomène, celui de l'occupation anarchique des trottoirs, poussant les piétons à aller sur la chaussée. Les voies de circulation sont alors gorgées de monde, entraînant une grande insécurité pour les usagers des voies publiques. Ni les services de l'APC ni la police n'interviennent pour mettre fin à ces pratiques. L'autre point noir de la ville de Sétif est lié aux véhicules de transport urbain. Ces bus sont un véritable danger roulant. Ils envahissent les artères de la ville. Masses effrayantes d'acier en mouvement, prêtes à écraser, comme de vulgaires insectes, tout sur leur passage, semant la terreur et parfois, hélas, la mort. Une calamité pour la circulation et une hantise pour tous, piétons, cyclistes et autres véhicules légers. Quand ils se faufilent ou quand ils vous croisent, ils projettent toujours la même sensation. Celle d'un éléphant qui charge. Un éléphant qui promène sa grosse carcasse dans un magasin de porcelaine. Les risques qu'ils provoquent ? Une foule. Les énumérer est une corvée. Les décrire remplirait tout un... camion. Vitesse dépassant les limites autorisées (parfois on assiste à une véritable course- poursuite entre les bus afin d'arriver en premier à l'arrêt et charger), slaloms en pleine ville, freins défaillants, arrêts en pleine chaussée, refus de serrer à droite, feux éblouissants et mal équilibrés, absence de feux de stop, et la liste peut facilement s'allonger. La plupart dans un état lamentable, dépassant parfois les vingt ans d'âge, ces bus accentuent la pollution avec leurs rejets gazeux, ainsi que leur bruit, ils empoisonnent carrément la circulation, provoquant souvent des accidents graves. Bon nombre de conducteurs de ces véhicules sont des jeunes, insensibles aux dangers, arrogants face aux risques et malveillants face aux usagers en transformant leurs bus en de véritables discothèques roulantes. Et pendant ce temps, les autorités locales sont dans une hibernation voulue et prolongée et qui peut durer très longtemps encore. Le moins que l'on puisse dire est que la situation demeure inquiétante dans les rues de la capitale des Hauts-Plateaux où l'insécurité est bien réelle avec les énormes risques d'accident qui devront désormais amener les autorités de la ville à entreprendre une campagne de sensibilisation à l'adresse des citoyens pour le respect des règles régissant la vie dans la cité. Cela contribuerait non seulement à sécuriser davantage les populations, mais également à éviter ces scènes macabres que l'on voit chaque jour sur nos routes. Imed Sellami Le Soir d'Algérie