Les cercles de la diffusion du fait culturel n'auront de cesse de rétrécir à Sétif dès lors que la librairie comme la bibliothèque tiennent toujours un rôle insignifiant. Si la première finit par concéder sa vocation aux intentions purement commerciales dictées par les exigences du marché, la seconde a rompu définitivement avec la tradition de l'acte de lire. C'est ainsi que les étals des librairies, malgré leur multiplication fort remarquée ces dernières années, outre la gamme de la papeterie exposée, n'offrent à la clientèle qu'une infime partie de publications représentées par le livre religieux venant d'Orient, ceux de la cuisine, de la santé et de quelques spécialités inaccessibles au grand public. Ce constat est, disons-le, révélateur du « mépris » accordé au lectorat représenté, notamment, par la population universitaire ou aussi collégienne. Et personne ne se soucie de cet acte qu'on considère comme une des voies vers les acquis civilisationnels. Le livre, jadis présent jusque dans les lieux publics et les transports en commun, est aujourd'hui boudé par la population de Sétif et personne ne s'en inquiète. A Sétif, la bibliothèque est devenue le parent pauvre de la culture. Nombreux sont les jeunes et moins jeunes qui nous avoueront n'y avoir jamais mis les pieds. L'institution ne suscite plus aucun réflexe chez les citoyens, la fermeture de la dernière bibliothèque remontant aux années 1980. Dans le cadre des orientations politiques dictées par la révolution culturelle de l'époque des années 1970, l'acte de lire se confondait indéniablement avec la bibliothèque municipale ou celle de l'ANP au centre-ville, mise au service de la population. Ainsi, des rayons complets offraient au public de la lecture, favorisaient le plaisir de lire et multipliaient le besoin de la découverte grâce à la diversité des thèmes et la disponibilité du livre, même si la population universitaire n'était pas encore établie à Sétif. C'est ainsi qu'à présent le besoin pressant d'acquérir le produit se fait de plus en plus ressentir car ni la bibliothèque universitaire, ni celle des lycées ou encore celle de la maison de la culture ne sont en mesure de combler le déficit accru engendré par la disparition de l'établissement par excellence du livre, la bibliothèque. Néanmoins, depuis quelques années, un bouquiniste, conscient des aléas du contexte défavorisé du champ culturel, tente vaille que vaille de combler seul le vide effarant qui caractérise le livre. En solitaire, il s'efforce d'assumer une mission difficile mais ô combien salutaire en proposant le produit rare. Sa librairie accueille une large tranche de lecteurs, dont la population universitaire, entre étudiants et spécialistes. Des étudiants que nous avons rencontrés diront qu'ils ont établi des liens fort étroits avec la boutique du vieux livre, qui leur est d'une grande aide. Certains admettront même que, s'ils sont parvenus à concrétiser leurs projets de recherche, c'est grâce à la collaboration « complice » du bouquiniste qui oriente, initie, dirige et dispose de l'outil de recherche incontournable et irremplaçable, le livre. Pour l'heure, la culture dans la cité est amputée de l'un de ses maillons stratégiques, vitaux dirions-nous, la lecture. Et le seul rai de lumière reste cette promesse d'ouverture imminente d'une annexe de la bibliothèque nationale d'Alger qui, faut-il le souligner, ne peut être considérée comme une fin en soi. Abdelhalim Benyelles, La Tribune