De notre correspondant à Bouira Nacer Haniche Alors que les lecteurs et les artistes peinent souvent à trouver un espace adéquat à leur épanouissement, en raison du manque d'infrastructures et de moyens, le secteur de la culture continue d'organiser des manifestations pour pallier l'ambiance de disette culturelle, héritée depuis des années, qui a anéanti toutes les initiatives pouvant rendre un produit culturel rentable, aussi bien sur le plan commercial que touristique. Mais, malgré les efforts déployés par les responsables du secteur, pour encourager les compétences locales dans le domaine de la production et de l'innovation, les consommateurs de créations culturelles, qu'ils soient lecteurs, amateurs de musique et de chanson ou cinéphiles, ne semblent pas attirés par ce qui est produit sur la scène. Par ignorance ou par désintérêt, le citoyen affiche rarement son enthousiasme lorsqu'il est sollicité à assister à une activité culturelle payante. D'ailleurs, en dépit de plusieurs activités et manifestations culturelles, organisées çà et là, avec entrée gratuite, afin d'attirer le maximum de personnes et encourager la consommation culturelle à travers la découverte de nouveaux livres édités sur le marché, celles-ci ont été boudées par le public. Au même moment, il a été constaté que, sur la place publique, les bibliothèques, librairies et autres espaces d'art commencent à perdre de leur importance aux yeux des citoyens. Les gérants de ces établissements déplorent le fait que l'essentiel de leurs recettes quotidiennes soit constitué uniquement de la vente de journaux ou d'articles scolaires. «N'était la vente de stylos, de cahiers et de quelques manuels scolaires, j'aurais baissé rideau depuis longtemps», nous dira un libraire du centre-ville de Bouira. Ces lieux, qui pouvaient jouer un grand rôle dans la redynamisation du champ culturel dans la société, notamment dans le milieu de la jeunesse, se sont reconvertis, avec le temps, en locaux strictement commerciaux, pour s'adapter aux réalités sociales, économiques et culturelles de la société. A l'heure de la multiplication de médias, de nouvelles technologies de la communication et de la généralisation de l'Internet, la lecture se trouve quelque peu menacée et se pratique de moins en moins par les citoyens. De leur côté, plusieurs libraires, installés au chef-lieu de wilaya, galvanisés par l'esprit du gain facile, ont transformé leur commerce pour vendre d'autres articles que les livres. Les articles scolaires, les équipements et consommables d'informatique et de bureautique, ainsi que les manuels parascolaires viennent ainsi garnir les rayonnages de ces établissements. Cependant, connaissant la valeur inestimable du livre, ou d'un manuel d'une discipline donnée, dans le développement de l'esprit de l'individu depuis son enfance, certains bouquinistes et libraires continuent de lui consacrer un espace afin d'attirer d'éventuels lecteurs. Mais la cherté des livres et la rareté des éditions viennent aussi réduire le cercle des férus de lecture. Du côté des pouvoirs publics, des responsables du secteur tentent d'initier des actions, souvent sporadiques et sans impact sur la population lettrée, afin de booster cette pratique, notamment dans les milieux scolaires et estudiantins. Les caravanes du livre, organisées par le secteur de la culture à travers la wilaya, pour rapprocher le livre du public, se sont souvent soldées par des échecs. Car, si au premier jour on enregistre un engouement chez les curieux et les enfants, le bibliobus stationné sur la place publique se retrouve bientôt déserté. Pourtant, dans les librairies privées, des livres sont proposés à la vente à des prix exorbitants et restent hors de portée des lecteurs, lesquels, généralement, ont de faibles revenus. L'activité de ces librairies, dont le nombre s'est considérablement réduit, est presque figée et se limite généralement à la commercialisation de livres scolaires et parascolaires, donc loin de susciter un quelconque intérêt culturel. Nos interlocuteurs ont exprimé le vœu de voir le livre mis à la portée de tout le monde et que la lecture retrouve ses lettres de noblesse au sein des différentes couches de la société. «Sans cela, la mentalité du citoyen de Bouira demeurera toujours figée», ont-ils ajouté. Concernant les autres activités, telles que les ciné-clubs et les expositions de toiles et autres disciplines culturelles, la scène n'a enregistré aucune évolution ces dernières années. Ces activités sont rarement inscrites dans les programmes culturels par les responsables.