C'est, effectivement, dans la région toujours pleine d'espérance, de Béni-Ourthilène, à l'extrême pointe du nord-ouest que depuis des siècles se cultive, dans les règles de l'art, l'oléiculture qui accorde aujourd'hui à cette région kabyle des Hauts Plateaux une distinction en huile d'olive de grande qualité. La réputation de l'huile d'olive n'est plus à faire dans l'étendue de la wilaya de Sétif et les villes limitrophes où, depuis quelques années, les gastronomes ont pris l'habitude d'accompagner leurs gastronomie de quelques quantités d'huiles de Béni-Ourthilène, ayant fait son apparition dans les rayons des grandes surfaces comme des marchands spécialisés, offrant un rapport qualité/prix plus qu'honorable. Et à moins d'être irréductiblement chauvin, tout Sétifien peut désormais reconnaître l'attrait de l'huile d'olive de Béni-Ourthilène avec lequel le marché doit compter. A vérifier aux sources et le plus agréablement du monde en s'accordant une petite balade à une cinquantaine de kilomètres au nord-ouest de la ville de Sétif à laquelle l'olivier et sa production offrent un atout précieux. Et ce n'est pas parce qu'on boude l'huile naturelle et qu'on ne rallie pas le clan des adeptes de la gastronomie méditerranéenne, qu'on doit se désintéresser de la question. Le détour par la route des oliveraies offre bien d'autres centres d'intérêts que celui des plantations à visiter. On peut très bien « déguster », vous pouvez en croire notre sobre expérience, sans gorger la moindre goutte de l'huile d'olive fraîche verte, le paysage et les villages en eux-mêmes ayant déjà largement de quoi se délecter. Sans compter l'architecture, le mobilier, la propreté exemplaire en tous lieux, la cordialité des habitants, les adresses de purs producteurs. Quant aux délices oléicoles, l'histoire n'est pas non plus dénuée d'intérêt. L'aventure ne date pas d'hier. Déjà, en leur temps, des notables français se faisaient livrer par la voie des mers les produits de l'oliveraie de Béni-Ourthilène que nos ancêtres ont bravement ancré dans l'esprit de générations lesquels ont, par la suite, largement contribué à faire fructifier la production oléicole dans ces terres montagneuses où les sources d'eau comme les sols s'avéraient parfaitement adaptés. En arrivant dans les petites contrées de Béni-Ourthilène, on a beau le savoir, on reste très étonnés de voir s'aligner dans un ton poétique des centaines oliviers et d'apprendre que les propriétaires se nomment Akli, Madjid... etc. Des descendants de fellahs qui n'ont pas eu la vie facile la nature si belle soit-elle, réservant parfois des épreuves. Séisme, sécheresse et autres effets pernicieux de la climatologie étaient de la partie. Il n'empêche que les plus classées des oliveraies ourthilanaises ont réussi à s'implanter dans le paysage des hauteurs de la capitale des Hauts Plateaux. En visitant un peu plus loin, du côté de Oued Sebt, l'une des propriétés de label reconnu, on apprend que la dernière des difficultés, la rareté de l'eau, a finalement été maîtrisée grâce aux apports du FNDRA, ambitieux programme mis en branle par l'Etat depuis l'an 2000. Un vieux producteur de la région qui a bien voulu nous recevoir chez lui avec la meilleure hospitalité que l'homme puisse s'y attendre, nous expliquera que le secret de la réussite de l'huile de la région tient au respect rigoureux quant aux étapes de production. « La fabrication d'huile d'olive passe par différents processus : le lavage, le broyage, le malaxage, le pressurage, la décantation et le stockage. Les olives récoltées sont passées le jour même afin d'éviter toute fermentation des olives, nous dira-t-il, et d'ajouter qu'à chaque étape, l'implication de soi avec avec amour et passion s'impose. Des spécialistes estiment que les oliveraies de Béni-Ourthilène remontent à une époque précédant la Kahina et l'invasion arabe. L'oliveraie aurait, selon les témoignages des vieux habitants, plus de 1.500 ans. A-t-on besoin de confirmation lorsqu'on constate de visu les troncs de ces oliviers millénaires qui semblent être pétrifiés, dont les branches majestueuses de l'un d'eux couvrent de leur ombre fraîche un verger et une vieille maison datant de l'ère pré-coloniale. Mohand, universitaire natif de la région, était là et se demande ce qui a pu attirer les colons français dans ce coin perdu de la planète. Un vieux sage essaye de lui expliquer que l'olivier avec le sel constituaient une richesse inestimable. Déjà, faisait-il rappeler, « là où l'olivier poussait, Rome imposait sa puissance ». Les exploitants de cette oliveraie millénaire profitaient du lâcher des eaux pour irriguer ces arbres. Mohand ricane et revient à la charge : « Je ne comprend pas comment cette vallée étroite peu productive peut satisfaire les besoins d'une puissance comme la France, alors que les immensités des Hauts Plateaux, allant des abords de Sétif à Guelma pouvaient répondre aux besoins des Français aussi bien en huile d'olive qu'en blé et en orge ». Un vieux sage sourit : en effet, si tu parles de la quantité, tu as raison, mais la qualité de l'huile extraite des oliviers qui poussent dans cette région est inégalable et ce, jusqu'à ce jour ». Selon les exploitants de l'oliveraie de Béni-Ourthilène, le taux d'acidité de leur huile d'olive est presque nul, d'où son prix qui est de 500 DA le litre. D'autre part, révèlent-ils, dans les autres régions du nord comme à Guelma, Béjaïa, Tizi Ouzou et Bouira, les olives sont pressées presque trois jours après leur cueillette, alors qu'à Béni-Ourthilène, c'est après un mois qu'on commence à en extraire l'huile. C'est ce qui explique le secret de la haute qualité nutritive, guastative et curative de l'huile de l'oliveraie millénaire de cette région. L'olivier revient en force dans toutes les régions de la daïra de Béni-Ourthilène. A l'instar de Oued Sebt, les paysans des autres localités de Béni-Ourthilène réservent d'importantes parcelles à la plantation d'oliviers qui donnent des résultats satisfaisants pour peu que l'eau soit disponible