Les derniers jours d'un mois de juin marqué globalement par une chaleur caniculaire, les immenses champs de blé ondulant sous l'effet du vent offraient un décor sublime qui a imprégné depuis la nuit des temps la conscience collective qui nous restitue les chants éternels de « Guemh el Beliouni » dans une renommée qui a fait de la région des hautes plaines sétifiennes « le grenier de Rome ». La campagne moissons-battages 2012-2013 dans la wilaya de Sétif porte déjà les signes révélateurs d'une très bonne année. Des chiffres révélateurs qui justifient pleinement le constat que nous avons été découvrir sur le terrain au moment où les premières collectes d'orge étaient déjà assurées au niveau des structures de la CCLS, pleinement à l'œuvre pour réduire au mieux l'attente des premiers camions de fellahs, venus livrer au jour le jour les premières parties de leurs récoltes et repartir le plus tôt possible, ramener le reste mais surtout être aux côtés de leurs « machines » pour veiller personnellement au grain et réduire au mieux les pertes sur champs qui constituent désormais la préoccupation de chacun. Première étape de notre périple, le direction des services agricoles où nous sommes plongés dans une atmosphère de préparatifs intenses de cette campagne moissons-battages qui ne ressemble pas à celle qui l'a précédée et qu'il va falloir vite gérer, dans les meilleures conditions au contact des agriculteurs, de la CCLS et de tous les partenaires impliqués dans le cadre de la mission de suivi qui a été mise en place au niveau de la wilaya. La campagne sera bonne Dans ce contexte, le directeur de wilaya M. Zerarga Ali, estime que « c'est une campagne qui sera bonne et se présente sous les meilleurs auspices. Les emblavures se situent autour de 183.880 hectares et nos prévisions de récolte toutes espèces céréalières confondues sont estimées pour cette campagne moissons-battages à 3.000.000 quintaux, chiffre qui peut être révisé à la hausse. La part du lion une fois encore est consacrée au blé dur, sachant les encouragements de l'Etat en direction des céréaliculteurs avec comme vous le savez des prix qui sont passés du simple au double, soit de 2.200 à 4.500 dinars le quintal. Des mesures incitatives qui concernent aussi le blé tendre, l'orge et l'avoine et je puis vous affirmer que toutes les dispositions sont mises en œuvre pour permettre à cette campagne de très bien se dérouler. Je demanderai simplement à nos agriculteurs d'être patients, sachant que lorsque la récolte est bonne, on a tendance à se bousculer à la porte pour livrer sa production et encaisser son chèque, et là aussi, nous ferons en sorte de gérer ce volet convenablement. » Des prévisions de production qui sont en effet pour le blé dur de l'ordre de 1.846.700 quintaux sur une superficie emblavée de 106.564 hectares, 494.600 quintaux pour le blé tendre sur les 23.694 hectares emblavés, 846.600 quintaux pour l'orge et 6.560 quintaux pour l'avoine, ce tout se traduisant ainsi par une production globale qui dépasse de loin celle de l'année dernière établie à 2.400.000 quintaux. Autant d'objectifs qui ne sont pas sans nécessiter toute une flotte de machines de tous genres pour assurer cette récolte et surtout, faire sous cette chaleur de plomb mais avec l'amour de cette terre nourricière en évitant au maximum ces pertes sur champ, d'autant plus que la qualité cette année est venue se joindre aux rendements et que rien ne doit être laissé au fait du hasard, car comme nous le stipulera Smaïl que nous rencontrons à l'œuvre, opérant sans cesse « aux réglages les plus fins de sa moissonneuse, chaque grain de perdu est une partie de ma sueur qui est décomptée du chèque qui doit couronner tous mes efforts. » 719 moissonneuses-batteuses sur le terrain Pour ce faire, et au titre du parc roulant fonctionnel, 719 moissonneuses-batteuses de différents types de large coupe, 54 moissonneuses lieuses, 23 batteuses à poste fixe, 1.156 ramasseuses presses et 2.173 remorques seront à l'œuvre sur le terrain au fur et à mesure que cette campagne moissons-battages battra son plein pour s'étendre dès la fin de ce mois de l'extrême sud de la wilaya où l'orge a donné de très bons résultats, au nord qui constitue un bon terrain pour les céréales. Par ailleurs, 747 camions de 5 tonnes relevant du secteur privé et 344 autres d'un plus fort tonnage appartenant également au même secteur seront mobilisés. Direction à présent la CCLS pour en savoir d'avantage sur ce volet et notamment les capacités de stockage qui sont mobilisées pour cette campagne : « En tant que CCLS nous sommes surtout concernés par la collecte des céréales et cette opération nous l'avons préparée depuis déjà trois mois. Nous disposons donc d'une capacité totale de 1.300.000 quintaux dont 920.000 propres à la CCCL. Les autres capacités de collecte sont issues des CASSAP et des autres moulins. Sur ce plan donc, je puis vous assurer que les dispositions nécessaires ont été prises disposant de surcroît d'une section motoculture. Ce sont des contraintes de terrain, qu'il faudra donc gérer mais l'essentiel, c'est d'abord l'accueil du fellah qui a travaillé sans relâche depuis 9 mois pour ne pas dire une année et il attend indéniablement d'être bien accompagné, attendant beaucoup de cette campagne. » Au cœur de la collecte Pour en savoir davantage sur ce volet et nous enquérir de la situation qui prévaut sur le terrain, nous décidons de nous rendre à Rass el Ma (daïra de Guedjel) vers le complexe céréalier sans doute le plus important des 14 autres sites qui couvrent 30 points de collecte. Sur le site, une multitude de camions est en effet sur les lieux à décharger rapidement une partie de leur récolte. Les chauffeurs, tantôt des transporteurs, tantôt les fellahs eux-mêmes visiblement pressés pour revenir sur leurs exploitations et assurer les livraisons qui attendent tiennent visiblement le coup à leur volant mais sont quand même trahis par tous ces signes de fatigue qu'ils portent sur leurs visages : « Vous savez, c'est normal, vous travaillez sans arrêt, seul le sentiment d'en finir avec toutes ces livraisons vous anime et vous met à l'abri d'un éventuel changement de climat. Pour le moment, tout se passe bien et la production de cette année est bonne, nous dit Kadri Abderahmane qui vient de Ain Lahdjar et livre sa production d'orge. Il ne manque pas au passage d'émettre le vœu de décharger dès son arrivée et repartir aussitôt mais reconnaît-il avec un petit sourire : « Il faut bien attendre son tour et l'attente pour le moment n'est pas longue. » Non loin de lui, Hammar Medja, qui avait l'habitude de livrer à Ain Oulmène et a choisi cette fois-ci Rass el Ma où, dit-il, « les choses sont plus rapides », voudrait néanmoins que les camions des fellahs passent en priorité à la pesée, heureux malgré tout d'avoir réalisé une bonne récolte qu'il ne nous dévoilera pas sinon qu'elle aura été bonne. Entre-temps Kharchi Amel, sous-directrice chargée de la qualité, que l'on reconnaît à son tablier blanc dans ce vacarme poussiéreux, Larguet Nordine, sous-directeur technique, Fenni Omar, chef d'équipe de la maintenance, sont là à veiller au moindre détail, sachant que la demande est forte en ces temps et que pour le seul parc motoculture 270 demandes de prestations notamment pour les moissons sont déposées par les fellahs. L'angoisse d'une étincelle... Nous remontons dès lors vers une grande exploitation, la ferme pilote Makhloufi où l'on procède aux derniers réglages des 56 moissonneuses-batteuses dont deux neuves, à l'effet d'accuser le moins possible de pertes sur champ. « Chaque grain comptera », nous confie Tahar Boukhenaf, le directeur de cette ferme qui s'étale sur 2.600 hectares de surface agricole utile, avec une emblavure annuelle de 1.300 hectares dont 1.200 hectares en céréales. « L'année à été bonne et nous espérons une production meilleure que celle des deux dernières campagnes avec une moyenne de plus de 20 quintaux à l'hectare sur les 1.200 hectares », poursuivant que leur cheval de bataille en termes de rendement est désormais celui de la qualité. « Nous faisons de la multiplication sur 1.000 hectares et nous nous attelons sans cesse à travailler désormais sur la qualité. » Il n'en demeure pas moins que les contraintes traditionnelles sont là et retiennent l'attention de tous les cadres et travailleurs : « Nous sommes de par la position de cette exploitation agricole enclavée, entre 4 communes et nous craignons comme tous les fellahs ce risque d'incendie qui peut nous être fatal en dépit du fait que nous avons pris toutes les dispositions, avec notamment des pôles d'intervention au niveau de chaque grande superficie mais... bon touchons du bois », poursuit notre interlocuteur qui attend comme beaucoup l'impact des grands transferts, au moment où à quelques mètres de là, Boukhadra Rabah, ingénieur en production végétale, enfoncé dans sa combinaison bleue est à l'œuvre sur champ, n'espérant, comme ses trois autres camarades venus de l'ANEM, que d'être permanisé. Concernant le volet inhérent aux éventuels incendies et autres mesures de prévention, M. Lamamra Ahmed, chargé de l'information au niveau de la direction de wilaya de la protection civile ne manque pas de souligner que tous les moyens sont mobilisés pour cette campagne : « Tous les moyens que nous avons reçus de la direction générale de la protection civile ou de la wilaya ont été répartis sur nos 11 unités et nous avons œuvré pour rapprocher au plus les moyens d'intervention à l'effet d'agir avec l'efficacité qui se doit, notamment dans la réduction des délais de réponses. » Un réseau qualité Dans notre grande virée sur le terrain, nous revenons vers la zone industrielle de Sétif, où nous nous rendons pour découvrir ce réseau qualité, créé au niveau d'une semoulerie-minoterie et industries dérivées relevant d'un investisseur privé qui a décidé de s'impliquer dans la qualité du blé. « Nous travaillons en effet avec la CCLS et les instituts de recherche qui nous accompagnent sur 53 exploitations, soit quelque 1.000 hectares. Nous sommes conventionnés avec l'université de Batna et nous mettons les moyens qui s'imposent pour nous inscrire dans cette dynamique, aider, assurer une formation aux fellahs et faisons par exemple qu'une exploitation passe de 14 à 20 quintaux à l'hectare pour la première année avec deux grands objectifs, la qualité du blé et de bons rendements avec bien sûr tous les éléments que cela induit au niveau de la transformation. Cette année, la campagne moissons-battages est bonne, nous avons bon espoir de renforcer le club des 50 et nous entendons de ce fait aussi nous impliquer pleinement dans cette démarche de l'après-pétrole », nous dit El Hadj Keraguel Abdelkrim, le patron qui n'oublie pas de souligner que la qualité nutritive du grain au niveau des exploitations agricoles qu'il accompagne est de 17 protéines, donc tout simplement excellente. Dans une démarche de solidarité qui ne laisse personne sur le bord de la route, bien au contraire animée par des mécanismes incitateurs de l'Etat et cette contribution du secteur privé dans la réalisation des objectifs de la sécurité alimentaire, Sétif s'implique fortement dans cette stratégie, souligne le directeur des services agricoles qui revient aussi sur ces pratiques d'irrigation d'appoint qui sont en évolution constante conformément aux directives du ministère de l'Agriculture et ce mégaprojet des grands transferts hydrauliques qui, dira-t-il, métamorphosera complètement le paysage agricole de la wilaya avec des rendements projetés qui atteindront 60 et même 70 quintaux à l'hectare. El Moudjahid