CLXXXXIVe nuit (Suite) Un jour, de grand matin, que Khacan allait au palais du roi, un courtier se pr?senta ? l??trier de son cheval, avec grand empressement, et lui annon?a qu?un marchand de Perse, arriv? le jour pr?c?dent, fort tard, avait une esclave ? vendre d?une beaut? achev?e, au-dessus de toutes celles qu?il pouvait avoir vues. ?A l??gard de son esprit et de ses connaissances, ajouta-t-il, le marchand la garantit pour tenir t?te ? tout ce qu?il y a de beaux esprits et de savants au monde.? Khacan, joyeux de cette nouvelle, qui lui faisait esp?rer d?avoir lieu de bien faire sa cour, lui dit de lui amener l?esclave, ? son retour du palais, et continua son chemin. Le courtier ne manqua pas de se trouver chez le vizir ? l?heure marqu?e. Khacan trouva l?esclave belle, si fort au del? de son attente, qu?il lui donna d?s lors le nom de belle Persane. Comme il avait infiniment d?esprit et qu?il ?tait tr?s savant, il eut bient?t connu, par l?entretien qu?il eut avec elle, qu?il chercherait inutilement une autre esclave qui la surpass?t en aucune des qualit?s que le roi demandait. Il demanda au courtier ? quel prix le marchand de Perse l?avait mise. Seigneur, r?pondit le courtier, c?est un homme qui n?a qu?une parole : il proteste qu?il ne peut la donner, au dernier mot, ? moins de dix mille pi?ces d?or. Il m?a m?me jur? que, sans compter ses soins, ses peines et le temps qu?il y a qu?il l??l?ve, il a fait ? peu pr?s la m?me d?pense pour elle, tant en ma?tres pour les exercices du corps et pour l?instruire et lui former l?esprit, qu?en habits et en nourriture. Comme il la jugea digne d?un roi d?s qu?il l?eut achet?e, dans sa premi?re enfance, il n?a rien ?pargn? de tout ce qui pouvait contribuer ? la faire arriver ? ce haut rang. Elle joue de toutes sortes d?instruments, elle chante, elle danse; elle ?crit mieux que les ?crivains les plus habiles; elle fait des vers, il n?y a pas de livres, enfin, qu?elle n?ait lus. On n?a pas entendu dire que jamais esclave ait su tant de choses qu?elle en sait.? Le vizir Khacan, qui connaissait le m?rite de la belle Persane beaucoup mieux que le courtier, qui n?en parlait que sur ce que le marchand lui en avait appris, n?en voulut pas remettre le march? ? un autre temps. Il envoya chercher le marchand par un de ses gens, o? le courtier enseigna qu?on le trouverait. Quand le marchand de Perse fut arriv?: ?Ce n?est pas pour moi que je veux acheter votre esclave, lui dit le vizir Khacan, c?est pour le roi; mais il faut que vous la lui vendiez ? un meilleur prix que celui que vous y avez mis. -Seigneur, r?pondit le marchand, je me ferais un grand honneur d?en faire pr?sent ? Sa Majest?, s?il appartenait ? un marchand comme moi de faire des pr?sents de cette cons?quence. Je ne demande proprement que l?argent que j?ai d?bours? pour la former, et la rendre comme elle est. Ce que je puis dire, c?est que Sa Majest? aura fait une acquisition dont elle sera tr?s contente.?