CLXXXXIXe nuit (Suite) Saouy, meurtri de coups, se releva, ? l?aide de ses gens, avec bien de la peine, et il eut la derni?re mortification de se voir tout g?t? de fange et de sang. Il s?appuya sur les ?paules de deux de ses esclaves et, dans cet ?tat, il alla droit au palais, ? la vue de tout le monde, avec une confusion d?autant plus grande que personne ne le plaignait. Quand il fut sous l?appartement du roi, il se mit ? crier et ? implorer sa justice d?une mani?re pitoyable. Le roi le fit venir; et, d?s qu?il parut, il lui demanda qui l?avait maltrait? et mis dans l??tat o? il ?tait. ?Sire, s??cria Saouy, il ne faut qu??tre bien dans la faveur de Votre Majest? et avoir quelque part ? ses sacr?s conseils pour ?tre trait? de la mani?re indigne dont elle voit qu?on vient de me traiter. -Laissons l? ces discours, reprit le roi; dites-moi seulement la chose comme elle est, et qui est l?offenseur. Je saurai bien le faire repentir s?il a tort. -Sire, dit alors Saouy en racontant la chose tout ? son avantage, j??tais all? au march? des femmes esclaves pour acheter moi-m?me une cuisini?re dont j?ai besoin; j?y suis arriv? et j?ai trouv? qu?on y criait une esclave ? quatre mille pi?ces d?or. Je me suis fait amener l?esclave; et c?est la plus belle qu?on ait vue et qu?on puisse jamais voir. Je ne l?ai pas eu plus t?t consid?r?e avec une satisfaction extr?me que j?ai demand? ? qui elle appartenait, et j?ai appris que Noureddin, fils du feu vizir Khacan, voulait la vendre. Votre Majest? se souvient, sire, d?avoir fait compter dix mille pi?ces d?or ? ce vizir, il y a deux ou trois ans, et de l?avoir charg? de vous acheter une esclave pour cette somme. Il l?avait employ?e ? acheter celle-ci; mais, au lieu de l?amener ? Votre Majest?, il ne vous en jugea pas digne et en fit pr?sent ? son fils. Depuis la mort du p?re, le fils a bu, mang? et dissip? tout ce qu?il avait, et il ne lui est rest? que cette esclave, qu?il s??tait enfin r?solu ? vendre et que l?on vendait, en effet, en son nom. Je l?ai fait venir et, sans lui parler de la pr?varication, ou plut?t de la perfidie de son p?re envers Votre Majest?: ?Noureddin, lui ai-je dit le plus honn?tement du monde, les marchands, comme je l?apprends, ont mis d?abord votre esclave ? quatre mille pi?ces d?or. Je ne doute pas qu?? l?envi l?un de l?autre ils ne la fassent monter ? un prix beaucoup plus haut croyez-moi, donnez-la-moi pour les quatre mille pi?ces d?or, et je vais l?acheter pour en faire un pr?sent au roi, notre seigneur et ma?tre, ? qui j?en ferai bien votre cour. Cela vous vaudra infiniment plus que ce que les marchands pourraient vous en donner?.