CLXXXXIXe nuit (Suite) -Au lieu de r?pondre en me rendant honn?tet? pour honn?tet?, l?insolent m?a regard? fi?rement: ?M?chant vieillard, m?a-t-il dit, je donnerais mon esclave ? un juif pour rien plut?t que de te la vendre. -Mais Noureddin, ai-je repris sans m??chauffer, quoique j?en eusse un grand sujet, vous ne consid?rez pas, quand vous parlez ainsi, que vous faites injure au roi, qui a fait votre p?re ce qu?il ?tait, aussi bien qu?il m?a fait ce que je suis?. Cette remontrance, qui devait l?adoucir, n?a fait que l?irriter davantage: il s?est jet? aussit?t sur moi comme un furieux, sans aucune consid?ration pour mon ?ge, encore moins pour ma dignit?, m?a jet? ? bas de mon cheval, m?a frapp? tout le temps qu?il lui a plu et m?a mis en l??tat o? Votre Majest? me voit. Je la supplie de consid?rer que c?est pour ses int?r?ts que je souffre un affront si signal??. En achevant ces paroles, il baissa la t?te et se tourna de c?t? pour laisser couler ses larmes en abondance. Le roi, abus? et anim? contre Noureddin par ce discours plein d?artifice, laissa para?tre sur son visage des marques d?une grande col?re; il se tourna du c?t? de son capitaine des gardes, qui ?tait aupr?s de lui: ?Prenez quarante hommes de ma garde, lui dit-il, et, quand vous aurez mis la maison de Noureddin au pillage et que vous aurez donn? des ordres pour la raser, amenez-le-moi avec son esclave?. Le capitaine des gardes n??tait pas encore hors de l?appartement du roi, qu?un huissier de la chambre, qui entendit donner cet ordre, avait d?j? pris le devant. Il s?appelait Sangiar, et il avait ?t? autrefois esclave du vizir Khacan, qui l?avait introduit dans la maison du roi, o? il s??tait avanc? par degr?s. Sangiar, plein de reconnaissance pour son ancien ma?tre et de z?le pour Noureddin, qu?il avait vu na?tre, et qui connaissait depuis longtemps la haine de Saouy contre la maison de Khacan, n?avait pu entendre l?ordre sans fr?mir. ?L?action de Noureddin, dit-il en lui-m?me, ne peut pas ?tre aussi noire que Saouy l?a racont?e; il a pr?venu le roi, et le roi va faire mourir Noureddin sans lui donner le temps de se justifier?. Il fit une diligence si grande, qu?il arriva assez ? temps pour l?avertir de ce qui venait de se passer chez le roi et lui donner lieu de se sauver avec la belle Persane. Il frappa ? la porte d?une mani?re qui obligea Noureddin, qui n?avait plus de domestiques il y avait longtemps, de venir ouvrir lui-m?me sans diff?rer. ?Mon cher seigneur, lui dit Sangiar, il n?y a plus de s?ret? pour vous ? Balsora; partez et sauvez-vous sans perdre un moment. -Pourquoi cela? reprit Noureddin. Qu?y a-t-il qui m?oblige si fort de partir? -Partez, vous dis-je, repartit Sangiar, et emmenez votre esclave avec vous. En deux mots, Saouy vient de faire entendre au roi, de la mani?re qu?il a voulu, ce qui s?est pass? entre vous et lui; et le capitaine des gardes vient apr?s moi, avec quarante soldats, se saisir de vous et d?elle. Prenez ces quarante pi?ces d?or pour vous aider ? chercher un asile: je vous en donnerais davantage si j?en avais sur moi. Excusez-moi si je ne m?arr?te pas davantage; je vous laisse malgr? moi, pour votre bien et pour le mien, par l?int?r?t que j?ai que le capitaine des gardes ne me voie pas. ?Sangiar ne donna ? Noureddin que le temps de le remercier et se retira.