CCXVIII?me Nuit (Suite) Ah!Ganem, ajouta-t-elle, emport?e par un mouvement m?l? de tendresse et de joie, mon cher fils Ganem! Est-il possible que tu vives encore? Je ne regrette plus mes biens; et, ? quelque exc?s que puissent aller les ordres du calife, je lui en pardonne toute la rigueur, pourvu que le ciel ait conserv? mon fils. Il n?y a que ma fille qui m?afflige, ses maux seuls font toute ma peine. Je la crois pourtant assez bonne s?ur pour suivre mon exemple.? A ces paroles, Force des c?urs, qui avait paru insensible jusque-l?, se tourna vers sa m?re, et, lui jetant ses bras au cou: ?Oui, ma ch?re m?re, lui dit-elle, je suivrai toujours votre exemple, ? quelque extr?mit? que puisse vous porter votre amour pour mon fr?re.? La m?re et la fille, confondant ainsi leurs soupirs et leurs larmes, demeur?rent assez longtemps dans un embrassement si touchant. Cependant, les femmes de la reine, que ce spectacle attendrissait fort, n?oubli?rent rien pour engager la m?re de Ganem ? prendre quelque nourriture. Elle mangea un morceau pour les satisfaire, et Force des c?urs en fit autant. Comme l?ordre du calife portait que les parents de Ganem para?traient trois jours de suite aux yeux du peuple dans l??tat qu?on a dit, Force des c?urs et sa m?re servirent de spectacle le lendemain, pour la seconde fois, depuis le matin jusqu?au soir; mais, ce jour-l? et le jour suivant, les choses ne se pass?rent pas de la m?me mani?re: les rues, qui avaient ?t? d?abord pleines de monde, devinrent d?sertes. Tous les marchands, indign?s du traitement qu?on faisait ? la veuve et ? la fille d?Abou A?bou, ferm?rent leurs boutiques et demeur?rent enferm?s chez eux. Les dames, au lieu de regarder par leurs jalousies, se retir?rent dans le derri?re de leurs maisons. Il ne se trouva pas une ?me dans les places publiques par o? l?on fit passer ces deux infortun?es; il semblait que tous les habitants de Damas eussent abandonn? leur ville. Le quatri?me jour, le roi Mohammed Zinebi, qui voulait ex?cuter fid?lement les ordres du calife, quoiqu?il ne les approuv?t point, envoya des crieurs dans tous les quartiers de la ville publier une d?fense rigoureuse ? tout citoyen de Damas ou ?tranger, de quelque condition qu?il f?t, sous peine de la vie et d??tre livr? aux chiens pour leur servir de p?ture apr?s sa mort, de donner retraite ? la m?re et ? la s?ur de Ganem, ni de leur fournir un morceau de pain ni une seule goutte d?eau; en un mot, de leur pr?ter la moindre assistance et d?avoir aucune communication avec elles. Apr?s que les crieurs eurent fait ce que le roi leur avait ordonn?, ce prince commanda qu?on m?t la m?re et la fille hors du palais et qu?on leur laiss?t la libert? d?aller o? elles voudraient. On ne les vit pas plus t?t para?tre que tout le monde s??loigna d?elles, tant la d?fense qui venait d??tre publi?e avait fait d?impression sur les esprits. Elles s?aper?urent bien qu?on les fuyait; mais, comme elles en ignoraient la cause, elles en furent tr?s surprises; et leur ?tonnement augmenta encore lorsqu?en entrant dans la rue, o?, parmi plusieurs personnes, elles reconnurent quelques-uns de leurs meilleurs amis, elles les virent dispara?tre avec autant de pr?cipitation que les autres.