A l'occasion du 47e anniversaire de l'indépendance, l'association Machaâl Echahid du centre de presse El Moudjahid a rendu, hier, un vibrant hommage aux femmes moudjahidate, Moussabilate et Françaises ayant servi la cause algérienne, pour la plupart tombées au champ d'honneur et quelques-unes, rescapées, vivant dans le strict anonymat. Dans un témoignage poignant, le Dr Lamine Khan, membre du GPRA et figure historique de l'organisation sanitaire du Nord Constantinois, également membre de l'UGEMA, est revenu sur les traces de Evelyne Lavalette. Cette grande militante française avant-gardiste, qu'il a rencontrée, par le hasard des choses, un certain 19 mai 1956, pour avoir rédigé, avec sa compatriote Denis Blat, l'appel de la grève des étudiants. Pour le Dr Lamine Khan, les femmes révolutionnaires, jeunes qu'elles étaient, ont quitté les bancs des écoles pour rejoindre leurs frères au maquis. Il a rendu hommage à ces mères, épouses, sœurs des localités rurales, des Djebels qui ont nourri les combattants, les ont hébergés au détriment de leur vie et de leurs familles et ont veillé à leur sécurité. De véritables vigiles que l'histoire a malheureusement jetés dans les oubliettes. L'ex- ministre du gouvernement provisoire a invité le ministère des Moudjahidin à répertorier toutes ces chahidate et autres encore vivantes, à l'instar de ce qu'ont fait les Allemands pour leurs combattants des deux guerres mondiales. Par bribes de mémoire, le Dr Khan cite une certaine Leila Moussaoui qui activait dans la wilaya 2 historique, qui lui a permis d'intégrer le maquis. Ou l'héroïne Meriem Bouatoura, infirmière de Constantine, une vraie fidaïya torturée à mort. La liste est longue de ces milliers de femmes au grand courage qui ont défié la peur. Le conférencier nous renvoie, dans un sentiment de fierté et de devoir accompli, à Messikha Benziza, une infirmière de N'gaous (Batna) dont la tête a volé en éclats par l'explosion d'une roquette au moment où elle s'apprêtait à sauver l'un des blessés d'un centre de santé clandestin de l'ALN. Dans la wilaya III historique, le Dr Lamine Khan nous a fait revivre, dans son témoignage, l'ancienne militante du PPA et SG de l'Association des femmes musulmanes algériennes, Nefissa Hamoud, unique médecin à cette époque. Très laconique, Evelyne Lavalette estime de son côté qu'il est très difficile de retracer son parcours depuis qu'elle a ouvert les yeux avant 1954. Son premier contact, selon elle, c'était avec les Scouts musulmans algériens (SMA) avec Pierre Chaulet, ce militant de la première heure au sein de l'Association des étudiants catholiques. «J'avais procuré de l'hébergement et imprimais occasionnellement des tracts en tapant sur la ronéo» témoignait avec humilité Lavalette. Selon elle, sa modeste participation, grâce à d'importantes rencontres avec des militantes algériennes, marque une solidarité extrêmement solide avec la cause algérienne et une foi inébranlable que l'Algérie soit indépendante. Pour sa part, la Moudjahida Leila Ettayeb, actuellement sénatrice du tiers présidentiel, souligne que les colonisateurs considéraient la femme algérienne d'avant 54 comme étant une simple mère au foyer. Leur mépris a été poussé jusqu'à la qualifier d'une simple «Fatma» qui n'avait aucun rôle à jouer. Ils ont été vite rattrapés par leurs mensonges, lorsqu'ils se sont aperçus tardivement que la femme algérienne, véritable agent de liaison sur le terrain, avait déjoué toutes leurs manœuvres. La preuve, elle évoque cette femme rurale, appelée Mama Bakhta de Frenda (Tiaret), morte un certain 5 juillet 1962, dont le gîte servait de point de liaison vers le Maroc pour les chefs historiques de la trempe de Abane Ramdane, Oussedik, Abdelaziz Bouteflika et tant d'autres. D'autres témoignages venant de l'assistance rappellent la bravoure de ses femmes martyres d'outre-mer, à l'exemple de Raymonde Pichard, assistante sociale, exécutée par un lieutenant de l'armée française à Djebel Rih (Bordj Bou Arréridj), pour avoir osé traiter les soldats français de Nazis et de sauvages et dont l'hôpital de Medjana porte son nom. Un ancien de la fédération du FLN de France a rendu hommage à ces centaines de Françaises ayant activé dans le secret le plus total en faveur de la cause algérienne au sein du réseau Jeanson dont les éléments étaient appelés les porteurs de valises et auxquels Jean Paul Sartre s'était solidarisé lors de leur procès le 5 septembre 1962. A côté de leurs frères Moudjahids, ces femmes de la première heure nous ont légué un patrimoine cher qu'aucun autre patrimoine matériel ne pourrait remplacer, l'honneur et la pureté.