Dans la soirée de lundi, le public du Théâtre de verdure Chekroun Hasni a eu l'occasion de faire un long périple musical qui a commencé avec les airs du Sahel malien, les rythmes endiablés de l'Afrique avec le chanteur noir à la peau blanche, Salif Keita, pour se terminer dans les montagnes du Djurdjura avec le chantre de la Kabylie, Lounis Aït Menguellat. Dès son apparition sur scène, par son jeu de scène, ses déplacements, sa danse, sa manière d'apostropher l'assistance, Salif Keita, tout de blanc vêtu -ensemble et chéchia- nous a rappelé à bien des égards le précédent récital qui s'est déroulé deux jours auparavant, le Nigérien Mory Kante. Le chanteur albinos, qui a eu l'occasion de se produire plusieurs fois à Alger, avec notamment Khaled à l'occasion des fêtes de la jeunesse, a fait bouger les mélomanes oranais qui ont réagi favorablement à la prestation d'un des grands représentants de la world music, de ses choristes et danseuses et à la virtuosité de ses musiciens dont les rythmes enflammés produiront une fascination du public. Salif Keita chantera en bambara, la langue nationale du Mali, et en français pour exprimer les problèmes sociaux, parfois la joie de vivre et l'amour. Et le public, conquis, reprenait en chœur quelques onomatopées. A la fin de son gala, Salif Keita se dira très ému par l'accueil du public oranais et par l'ambiance qui a régné tout au long du récital au Théâtre de verdure d'Oran, une ville dont il foule le sol pour la première fois. Dans la deuxième partie de la soirée, le micro a été cédé à la voix de la star algérienne de la chanson kabyle, Lounis Aït Menguellat. Avant de monter sur scène, le chantre de la Kabylie avouera: «Je m'attends à une communion avec le public qui connait mes chansons.» Il est vrai que, outre les kabylophones très nombreux dans la capitale de l'Ouest et qui ont tenu à venir saluer l'un des symboles de la chanson du Djurdjura, le public oranais en général connait et beaucoup apprécient le chanteur, précédé, il est vrai, par sa notoriété. Et pour cause, il est l'un des artistes les plus populaires de la chanson kabyle contemporaine, un poète né dont le verbe reste toujours perçant. Le répertoire de Lounis Aït Menguellet compte aussi bien des chansons sentimentales -celles notamment de ses débuts artistiques-, courtes, que politiques et philosophiques, assez longues et qui demandent une interprétation et une lecture plus approfondie à l'exemple de «A?kim ur nes?a ara a?kim» (Pouvoir sans contre-pouvoir), I?ul s anga a nru? (Le chemin est long), Nekwni s warrac n Ledzayer (Nous autres enfants d'Algérie). Dès les premières notes, le grand représentant de la chanson kabyle réussira à créer la symbiose. Le public reprendra à l'unisson ses refrains et dansera aux trépidations saccadées des percussions. Ainsi, l'homme au verbe incisif, qui a chanté Thamourthiw (mon pays), magistralement composée, accompagné de son fils Djaafar et de son orchestre composé de trois musiciens, a fait jaillir des torrents de joie et une émotion indescriptible chez le public qui, écoutant ce fin ciseleur du verbe, du moins ceux qui comprennent le kabyle, ne pouvaient que se laisser caresser, bercer dans son univers. Les deux récitals se sont déroulés en présence d'un grand nombre d'invités, d'élus locaux et du wali d'Oran qui assistait pour la seconde fois au Théâtre de verdure à une soirée musicale programmée dans le cadre des festivités du 2e Panaf.