L'équipage de l'unité marine numéro 359 appartenant aux gardes-côtes de Mostaganem a réussi à intercepter, hier matin aux environs de 07h00, un canot pneumatique, à environ 28 miles au nord-ouest du littoral oranais. Onze jeunes dont un handicapé moteur faisait partie des candidats à l'émigration clandestine qui espéraient joindre les côtes espagnoles. Mais le fait saillant et la présence parmi ce groupe d'un mineur, scolarisé de surcroit. Au moment où ses camarades préparaient leurs affaires la veille pour rejoindre l'école, lui, était au large en train de rêver de l'heure où il allait poser le pied sur le sol ibérique. Son rêve n'est pas allé à son bout. Le mineur est un élève de deuxième année secondaire, inscrit au lycée d'El-Hassi. B. Sadek, habitant au quartier dit Le Rocher et qui aura ses 16 ans dans un mois, s'est confié à nous. «A l'instar de tous les élèves, je devais rejoindre ma classe aujourd'hui; mais l'attachement que je porte à mon frère aîné, m'a poussé à l'accompagner dans cette aventure. A vrai dire, on m'avait dit que j'avais plus de chance que les autres dans cette aventure, vu que les autorités espagnoles accordent un traitement spécial aux mineurs et ils les prennent en charge jusqu'à leur majorité.» Il ajoute: «Mon père est marchand de légumes et n'arrive pas à subvenir aux besoins de la famille. Je ne voulais pas donc demeurer une charge pour lui. Je voulais tenter ma chance à l'étranger pour l'aider et lui permettre de se reposer enfin.» Les compagnons de Sadek dans cette aventure sont originaires de la wilaya d'Oran et issus des quartiers Le Rocher, Misserghine et Plateau. Ils ont tenté leur aventure à bord d'un canot pneumatique doté d'un moteur de 30 chevaux et ont pris le départ à partir de la plage de Kristel. Auparavant, ils avaient versé à leurs passeurs des sommes allant de 6 à 9 millions de centimes. Selon les déclarations faites par l'un des harraga durant l'enquête, certain d'entre eux ont embarqué gratuitement. T. Mustapha, âgé de 27 ans et handicapé moteur est l'un d'eux. Il révèle: «Les deux jeunes qui nous ont aidés à mettre à l'eau le canot ont fini par nous accompagner dans cette aventure. Les raisons qui m'ont poussé à tenter ce coup incertain et plein de danger, ce sont bien les conditions sociales dans lesquelles je vis. Mon handicap a fait de moi une personne n'ayant aucune chance dans le monde professionnel. J'ai décidé de partir à la recherche d'une vie meilleure de l'autre côté de la rive.» De son côté, Houari, habitant à Misserghine et qui n'en est pas à sa première tentative d'émigration clandestine dira: «C'est vrai qu'ils ont réussi à faire avorter notre harga. Mais cela ne nous dissuadera pas pour retenter notre chance. Le chômage, la bureaucratie et l'injustice empoisonnent notre vie. Nous n'avons aucun avenir ici, alors qu'ils nous laissent partir!» On saura que Houari est un expulsé d'Espagne, ayant séjourné au noir deux années durant avant de fini par être débusqué.