Un hommage a été rendu jeudi dernier à Sidi Bel-Abbès par un groupe d'artistes à la mémoire de Cheikha Djenia, morte il y a six ans suite à un tragique accident de la circulation sur un tronçon de la RN07 reliant les localités de Ben Badis et Aïn Talout (Tlemcen). De son vrai nom Mebarki Fatna, la regrettée Cheikha Djenia est née en 1954 à Marhoum, un village agro-pastoral du sud de la wilaya de Sidi Bel-Abbès. Mariée (semble-t-il de force), elle a dû fuir son domicile conjugal à 17 ans avant d'entamer ses débuts artistiques dans les années 70. Depuis cette date, par son timbre de voix unique en son genre et ses audaces verbales se jouant des frontières de la norme bien pensante, elle s'imposera véritablement comme l'une des figures les plus marquantes du raï-trab oranien. ‘Kayen rabi', ‘Dertou fina djournan', ‘Trab el ghadar', ‘Cheb rassi', ‘Khouya ma idjich, ‘Aïni bekaya', ‘Ya oulidi nekkar'… restent pour nombre de ses fans les chansons les plus représentatives de son riche répertoire arraché des derniers contreforts de la mémoire. Du début des années 70 jusqu'en 1987, elle se faisait accompagner par des flûtistes célèbres tels cheikh Mohamed Mir de Saïda et cheikh Samorri de Tamzougha, avant d'opter pour une instrumentation moderne, mélange de synthé et de gasba, mais sans réussir vraiment à s'imposer dans ce style new raï. Après cette expérience, elle finira par se résoudre à reprendre ses anciens rythmes sur le «registre des pleureuses», à la grande satisfaction de ses fans et des puristes du raï trab oranien. Après la mort de son mari et néanmoins berrah attitré, Hadj Zouaoui, elle ne parviendra jamais à faire son deuil et devra se contenter tout au plus à faire des apparitions épisodiques, à l'occasion de quelques ‘ganate' ou ‘tagasrate' pour chanter sa douleur de femme blessée dans sa chair et dans son âme, jusqu'à son accident mortel le 1er avril 2004 à l'aube.