Elle était la diablesse, la tigresse du raï rural, la reine du genre bédouin, celui de la gasba ( flûte). Et elle en est morte à trop aimer cette musique truculente, délurée, fauve, nomade, paillarde et existentielle, en brûlant la vie des deux bouts, en roulant à plus de 100 km à l'heure. A l'image de la chanson pathétique et triste Chaâli garou (allume-moi une cigarette, je veux brûler ma vie...). C'est cheikha Djenia qui porte bien et beau son surnom dont elle a été affublée. D'ailleurs, elle revendiquait haut et fort son titre de « cheikha Djenia el hakania el kebira bent Saïda (la vraie, la grande, l'authentique et fille de Saïda) ». Elle est décédée, une certaine journée du 1er avril 2004, un jeudi, à l'issue d'un tragique accident de la circulation sur la route de Sidi Bel Abbès menant vers Tlemcen, et ce, prématurément, à l'âge de 50 ans. Soit neuf mois après la disparition de son mari « el berrah » (aminateur et dédicassseur), le fameux Zouaoui, lui aussi mort tragiquement. Il a été abattu par méprise lors d'un barrage de nuit par les forces de sécurité. De son vrai nom Fatma Mebarki, Djenia est née en 1954, à Marhoun, dans les environs de Saïda. Obnubilée par cheikha Rimitti, Farid El Attrache, Abdelhalim Hafez et Oum Kalsoum, elle quittera le giron familial et conjugal, à 17 ans, à la suite d'un mariage forcé. Remarquée par cheikh Aïssa, elle se produira à ses côtés pour ses premières armes. Elle signera son premier album en 1970 sous l'impulsion de Hadj Mazou lequel la baptisera « La diablesse » (Djenia) pour son timbre de voix rock (rauque). Cependant Djenia se distinguera avec le raï synthétique en duo avec cheb Abdelhah avec Rah Egaber (Il drague). Djenia s'est illustrée avec des hits comme Kayen Rabi, Trig Bidou, et Kin Dir Ouan Dirleh repris par cheb Abdou et bien d'autres, sans les royalties, bien sûr. Djenia était la digne héritière de cheikha Rimitti.