Le jeu vidéo est devenu la locomotive de l'industrie du loisir. Son concurrent principal, le cinéma, bien décidé à profiter de cette manne à succès, multiplie depuis dix ans les adaptations de jeux sur grand écran. A l'heure où « Max Payne » sort sur les écrans, les studios hollywoodiens et les éditeurs des plus gros blockbusters de l'industrie du jeu vidéo préparent déjà la suite, et elle promet de faire du bruit. Comment en est on arrivé là ? Et pourquoi, à quel prix ? Celui du succès ? Rarement. De la création ? La bonne blague. Alors quoi ? Rien, ou presque. Pour y voir clair, il faut remonter en arrière. Du temps où en bons kids des 80's on fantasmait sur « Tron » et « Starfighter », Hollywood, qui se remettait de sa gueule de bois des années 1970, gardait encore la main. Le rêve, quoique entamé après l'érosion télévisuelle, brillait à nouveau grâce à Lucas et Spielberg et leurs effets spéciaux. La course de moto dans « Tron », les combats intersidéraux de « Starfighter », c'était mieux que tout ce que les jeux vidéo pouvaient nous offrir avec leur graphisme minimaliste. Le jeu vidéo était déjà promis à un bel avenir, mais pas de quoi le considérer comme adversaire. Hollywood pouvait dormir tranquille. Il fallut du temps, pas dix, mais près de vingt ans avant qu'Hollywood voit son chiffre d'affaire s'éroder face à celui du jeu vidéo, qui dit-on aujourd'hui est supérieur (sauf que le cinéma engrange des bénéfices annexes, DVD, télévision, etc.). Entre temps, les jeux se sont vendus par millions, certains titres sont entrés dans la culture populaire. Et les consoles Nintendo, Sega, Playstation et bientôt Xbox se sont installés dans tous les foyers. Les exécutifs des studios hollywoodiens ne pouvaient donc rester stoïques face à cette concurrence lucrative. Première tentative en 1993 avec l'adaptation du plus célèbre des plombiers, « Super Mario Bros ». L'année suivante, coup sur coup, « Street Fighter », empereur du jeu de baston, et « Double Dragon », prince du beat'em up, passent de l'arcade au grand écran. Le premier avec Van Damme et Kylie Minogue fera rigoler au dixième degré, tandis que le second, version aseptisée pour les kids du jeu de Data East, tombera vite aux oubliettes. A chaque fois, on est loin de tout ce qui fait l'esprit du jeu, son essence, son expérience, voire son univers. Mais Hollywood n'a pas dit son dernier mot. En 1995, Paul W.S. Anderson signe l'adaptation du jeu de baston « Mortal Kombat », célèbre pour son univers médiéval fantastique et son ambiance ultimate fighting bourré d'effets gores. Il deviendra alors un spécialiste du genre en signant une adaptation discutable mais sympathique de « Resident Evil », le jeu culte de Capcom inspiré des films de zombies de Romero. Le film enclenchera des suites bâclées et très éloignées du jeu, mais peu importe, la machine est lancée. Si les adaptations sont encore discrètes durant les années 1990, la récente démocratisation des effets numériques, associée à des ventes de jeux toujours plus faramineuses, invite les studios en mal d'inspiration à passer à la vitesse supérieure. Des icônes plus ou moins célèbres du jeu deviennent des héros du grand écran. Bientôt des titres à succès sont promis à des sorties mondiales via des productions poids lourds. D'où le malentendu. Il y a peut-être plus d'écart entre l'adaptation d'un jeu au cinéma que celle d'un roman. Filmer n'est pas jouer, ni donner son illusion ou réveiller des sensations similaires. Pourtant les studios américains s'acharnent à multiplier et annoncer les adaptations. Au point qu'étrangement le cinéma semble garder l'avantage. Plus noble pour le commun des mortels, il laisse le jeu vidéo au second plan, dans son éternel creuset. L'adaptation n'étant qu'un sous produit promettant le mirage d'une plus grande respectabilité.