Hier, au cinquième jour de la révolte, des manifestants anti-Kadhafi se sont rassemblés dans les rues de la capitale Tripoli où des chefs de tribu rejoignaient la contestation alors qu'une unité de l'armée ralliait les rangs de l'opposition à Benghazi, désormais ville aux mains des contestataires, dans l'Est du pays. Cela ne s'est pas fait sans faire de victimes. En effet, on dénombre au moins 332 morts, selon Human Rights Watch, 61 seulement dans la ville de Tripoli, tombés dans la nuit et la matinée. Ce qui est frappant c'est l'implication dans cette sanguinaire répression, selon une source citée par le Guardian, de mercenaires étrangers, du Tchad et du Soudan. La chaîne Al-Jazeera a diffusé des images qu'elle n'a pas pu authentifier, montrant un cadavre d'un homme en uniforme, présenté comme un mercenaire africain tué dans les affrontements. Consécutivement à cette folie meurtrière de Kadhafi, une coalition d'oulémas a décrété qu'il était du “devoir sacré” pour chaque fidèle libyen de se soulever contre le régime autocratique au pouvoir depuis plus de 41 ans, en raison de ses “crimes sanglants contre l'humanité” et de “l'infidélité totale” de ses dirigeants.Par ailleurs, la répression sanglante des manifestations déclenchées il y a six jours à partir de Benghazi, seconde ville du pays de six millions d'habitants, principalement regroupés sur la côte, a poussé à faire défection un certain nombre de responsables. On cite, autre autres, la démission de l'ambassadeur libyen en Inde, le représentant de la Libye auprès de la Ligue arabe, ainsi que le ministre de la Justice Moustafa Mohamed Aboud Al Djeleïl qui a récusé le “recours excessif à la violence contre les manifestants”. La veille, dimanche au soir, Saïf al Islam, le fils de Kadhafi, a évoqué l'insurrection au moment même où celle-ci gagnait Tripoli, après avoir embrasé notamment Benghazi et Al-Baïda, dans l'est. Mais celui-là ne s'empêchait pas de brandir le spectre d'une guerre civile sanglante attisée de l'étranger qui aboutirait au démantèlement de la Libye issue l'indépendance, assurant que son père se battrait “jusqu'au bout” et qu'il disposait du soutien de l'armée pour «faire régner l'ordre à n'importe quel prix». «Jusqu'au dernier homme», a-t-il précisé. Par ailleurs, des émeutes ont éclaté hier dans la localité de Ras Lanouf, siège d'un complexe pétrochimique et d'une raffinerie de pétrole où des comités spéciaux d'ouvriers et d'habitants ont été formés pour les protéger. Précisément, le chef de la tribu Al Zouaya, implantée dans l'est du pays, a menacé sur la chaîne de télévision panarabe Al-Jazeera de couper les exportations de pétrole vers les pays occidentaux dans un délai de 24 heures si les autorités ne mettaient pas fin à “l'oppression”. Akram al Warfalli, chef de la tribu Al Warfalla, l'une des plus importantes de Libye, a pour sa part, sur la même chaîne, réclamé carrément le départ du pays de Kadhafi, qui “n'est plus un frère”. Le secrétaire au Foreign office, William Hague, a fait, lui, état d'informations sur son éventuel départ pour le Venezuela. Mais, en début de soirée, elles n'étaient pas confirmées. De source gouvernementale à Caracas, on les a même démenties. A noter que les gouvernements occidentaux ont condamné les violences et, avec la Russie et le secrétaire général de la Ligue arabe, Amr Moussa, en ont réclamé la fin. Londres a commencé, de son côté, à rapatrier les familles de ses diplomates. Quant aux Etats-Unis, ils ont dit réfléchir à “des mesures appropriées”.