Le discours prononcé par le président Hosni Moubarak dans lequel il a annoncé sa non candidature à un nouveau mandat présidentiel et l'amendement de certains articles de la constitution a suscité des réactions mitigées entre ceux qui le considèrent comme une "échappatoire" aux revendications des manifestants et ceux qui y voient une formule pour assurer la transition pacifique du pouvoir. Le président Moubarak avait adressé mardi un discours à la nation dans lequel il a annoncé qu'il ne comptait pas se porter candidat à la prochaine présidentielle et appelé le parlement à amender les articles 76 et 77 de la constitution relatifs aux conditions de la candidature à la présidentielle. Or, ces "concessions" n'ont pas persuadé les manifestants rassemblés à la place Al-Tahrir qui sont déterminés à poursuivre leur mouvement de protestation réclamant le départ sans délai de Moubarak malgré des informations ayant filtré sur une éventuelle rencontre ce mercredi entre la direction du "Mouvement du 6 avril" et le cabinet du vice-président Omar Souleimane. Le "discours-piège" de Moubarak pourrait "faire exploser" l'opposition d'autant qu'il appelle à l'amendement des articles 76 et 77 de la constitution sans citer l'article 88 qui autorise la supervision des élections par les magistrats, estiment les observateurs qui prévoient une éventuelle éviction de l'opposition du parti Al Wafd s'appuyant sur des déclarations de son secrétaire général Mounir Fakhri Abdennour qui a appelé à faire preuve de sagesse face à la gravité de la situation que traverse le pays. Ce dernier estime également "légitimes" mais "non pratiques" les revendications de l'opposition, arguant que la constitution égyptienne confère tous les pouvoirs à un seul individu qu'est le Chef de l'Etat, seul le président est habilité à autoriser la dissolution du parlement et l'organisation d'un referendum. Ces revendications ne sauraient être satisfaites sans une transition légitime du pouvoir, a-t-il ajouté. Les analystes politiques estiment que le parti "Al Wafd" a tendance à "soutenir" les propositions du président Moubarak et à accepter de participer au gouvernement d'autant que ce dernier a laissé nombre de ministères vacants. Abondant dans le même sens, le doyen des journalistes Makram Mohamed Ahmed a estimé que le président veut une transition pacifique du pouvoir appelant à saisir cette occasion pour l'approfondissement de la démocratie en Egypte. Des experts et des opposants ont souligné l'importance de l'article 88 qui autorise la supervision des élections par les magistrats. Le fondateur du parti "Al Karama" Hamdine Sabah estime que la non supervision des élections par des magistrats ouvre la voie à la fraude et vide les 76 et 77 de leur contenu, ajoutant qu'il s'attendait à ce que le président Moubarak convoque une assemblée nationale pour l'élaboration d'une nouvelle constitution et non pas pour son amendement. L'enseignant universitaire Hassan Nafaa a indiqué que les concessions faites par le président "ne sont pas suffisantes" outre qu'il n'a pas dit ouvertement que son fils Djamal ne sera pas candidat à la présidentielle et n'a pas non plus précisé comment se fera l'amendement des deux articles de la constitution alors que la légitimité de la plupart des membres du nouveau parlement est contestée". "Moubarak a dit que l'opposition rejetait le dialogue, cela sous-entend qu'il pourrait y avoir recours à la force", selon cet universitaire qui exclut tout de même l'intervention de l'armée. A l'instar des Frères musulmans qui ont rejeté en bloc le discours, l'opposant Mohamed Al Baradei l'a qualifié de "leurre" affirmant que le peuple égyptien veut la démission du président pour passer à la transition. Il a ajouté que le peuple peut trouver un nouveau régime capable d'instaurer la stabilité. Selon les observateurs, la parole reviendra en fin de compte à la rue égyptienne déterminée à poursuivre les manifestations alors que les chaînes de télévision officielles axaient leur couverture sur les manifestants pro-Moubarak à la place Mustapha Mahmoud.