La fin justifiait-elle les moyens ? Autrement dit, la réforme constitutionnelle adoptée mardi en Egypte répond-elle véritablement aux attentes ? Telle est la question qui se posait après la réaction très favorable des Etats-Unis, à l'opposé de celle de l'opposition égyptienne qui considérait que le vote de la Chambre des députés égyptiens ne constituait en réalité qu'un verrouillage par les conditionnalités posées à l'acte de candidature pour les futures élections présidentielles supposées ouvertes. En effet, les Etats-Unis ont apporté mardi un accueil de principe favorable à l'ouverture politique en Egypte, mais sans commenter directement les modalités d'un amendement constitutionnel controversé autorisant les candidatures multiples à l'élection présidentielle. « Nous accueillons très favorablement l'initiative du président Hosni Moubarak d'ouvrir le système politique égyptien, en particulier le processus présidentiel, pour qu'il puisse y avoir d'autres candidats », a déclaré un porte-parole du département d'Etat, Tom Casey. M. Casey n'a toutefois pas voulu commenter directement l'amendement adopté à une écrasante majorité mardi par le Parlement égyptien malgré un tollé de l'opposition dénonçant les restrictions imposées aux candidats indépendants, se retranchant derrière le manque de temps. L'opposition a dénoncé les restrictions, qu'elle juge « draconiennes et rédhibitoires », faites aux candidats indépendants, dans ce texte adopté par 405 députés sur 454 au terme d'une séance houleuse. Le projet d'amendement, soumis par le président Hosni Moubarak en février dernier, avait été adopté par le Conseil consultatif (Sénat) dimanche. Il doit faire l'objet, fin mai, d'un référendum populaire qui doit le rendre définitif. Selon l'amendement constitutionnel, les candidats indépendants doivent réunir la caution d'au moins 250 élus nationaux et locaux. Le projet initial prévoyait la caution de 300 élus, dont 65 députés de l'Assemblée du peuple, 25 du Sénat et 140 élus locaux appartenant à 14 assemblées provinciales différentes. Les Assemblées nationale et locales sont largement dominées par le PND (Parti national démocratique au pouvoir), qui doit cautionner la candidature du président Hosni Moubarak, 77 ans, pour un cinquième mandat présidentiel de six ans. Les conditions imposées aux candidats indépendants sont d'autant plus difficiles à réunir que l'amendement interdit à un même député d'accorder sa caution à plus d'un candidat. En revanche, les partis politiques légaux ne seront soumis à aucune restriction pour le prochain scrutin. Mais lors du scrutin de 2011, ils doivent justifier d'une représentation parlementaire de 5% au moins des députés et de cinq ans d'activité ininterrompue. Alors que le débat parlementaire battait son plein, des manifestations ont eu lieu au centre du Caire en faveur ou contre le renouvellement du mandat du président Moubarak. Les pro-Moubarak ont dénoncé les interventions étrangères dans les affaires intérieures de leur pays aux cris : « L'Egypte aux Egyptiens et non aux agents de l'étranger », « Non à l'immixtion de l'étranger dans les affaires intérieures de l'Egypte ». Les anti-Moubarak, venus à l'appel du Mouvement pour le changement Kefaya (Assez), ont appelé au retrait du chef de l'Etat et à une accélération des réformes. Le mouvement a appelé les Egyptiens à boycotter le prochain référendum et l'élection présidentielle. L'espace étant déjà occupé et même très largement, selon l'opposition, mais les jeux sont-ils faits pour autant ? Oui à l'en croire, et même selon les analyses développées avant même ce vote. Ainsi, et si le président sortant venait à répondre aux sollicitations de son parti, il serait assuré d'un cinquième mandat, car en face de lui il n'y aurait pas d'adversaire. Les potentiels candidats sont vieux même si Hosni Moubarak vient de fêter ses 77 ans. Ils manquent par ailleurs de popularité. Toutefois, et jusque-là, seulement Khaled Mohieddine a annoncé sa candidature. Bien que pressé par son parti qui a engagé une campagne avant l'heure, M. Moubarak temporise. Pour combien de temps.