Les participants au colloque international sur le thème "Des robes noires au Front : entre engagement et art judiciaire", ont mis en exergue dimanche à Alger l'apport des avocats au combat libérateur des Algériens contre la colonisation et la répression qu'ils ont subie durant ce combat. Intervenant au deuxième jour du colloque, organisé par l'association "Les Amis d'Abdelhamid Benzine", l'historienne Malika Rahal a retracé dans une conférence intitulée "Ali Boumendjel : un avocat aux mains des paras", les conditions de la disparition tragique du juriste algérien, maquillée en suicide par les autorités coloniales. Partant de la question posée par le journal France Observateur, qui avait titré, à l'époque, un article relatant la mort de cet avocat, ancien militant de l'Union démocratique du manifeste algérien (UDMA), "Qui a tué Boumendjel?", Malika Rahal a affirmé qu'il s'agissait d'un "faux suicide", rappelant à ce propos les aveux du général Aussares. Elle a souligné que la mort de Me Boumendjel "a contribué à changer l'image du Front de libération nationale (FLN) dans les milieux métropolitains et a mobilisé les réseaux d'opposition à la guerre". Mme Rahal a mis l'accent, en outre, sur son activité politique "débordante" et la relation avec son frère Ahmed, son aîné de 10 ans, et qui avait "entièrement" adhéré, à Paris, au combat libérateur initié par le FLN. Elle a relevé, d'autre part, que Boumendjel avait fréquenté le lycée de Blida où il avait rencontré Abbane Ramdane, Benyoucef Benkhada, Saad Dahleb et où il avait eu comme maître d'internat Lamine Debaghine. "Il figurait même parmi les Amis d'Alger Républicain", a-t-elle dit, ajoutant que "sa recherche de la négociation avec les autres courants du mouvement national, y compris le Parti du peuple algérien (PPA), irritait la direction de l'UDMA". Elle a conclu en indiquant que la disparition de Boumendjel avait donné naissance au premier scandale, en 1957, lié à la torture. Intervenant dans les débats, Me Ghaouthi Benmelha, qui était membre du premier collectif des avocats du FLN à Alger, créé en février 1955, a précisé que durant cette période Ali Boumendjel avait quitté le barreau d'Alger et était chargé du contentieux à la société Shell à Alger. L'historienne française Sylvie Thenault, du CNRS de Paris, a, pour sa part, remis en question l'idée qu'il existait un seul collectif d'avocats du FLN. Selon elle, "il y avait des collectifs d'avocats", précisant que des "avocats historiques" avaient plaidaient pour les nationalistes algériens bien avant le déclenchement de la guerre de Libération nationale. Pour cette historienne, qui a consacré sa thèse de doctorat au thème de la justice pendant la guerre de Libération nationale, ces "avocats historiques", dont Me Stibbe et Dechezelles, "inscrivaient leur participation à la défense des résistants algériens, après le déclenchement de la Révolution, dans la continuité". Mme Thenault a reconnu que l'engagement de ces "nombreux" avocats reste méconnu, en dépit de leur engagement "entier" dans cette activité, surtout, a-t-elle noté, après l'internement des membres du collectif des avocats d'Alger. Elle a indiqué, à ce sujet, que le "seul" collectif qui est resté dans les mémoires demeure le collectif créé par la Fédération du FLN de France, dont faisait partie Jacques Verges, Mourad Oussedik, Abdessamed Benabdellah et d'autres. L'historienne française a plaidé, dans ce cadre, pour une recherche historique susceptible de "restituer la mémoire de ses avocats anonymes" qui se sont impliqués dans la défense des résistants algériens. Evoquant la stratégie de défense connue sous l'appellation de "stratégie de rupture", considérée par Me Jacques Verges comme étant "d'essence révolutionnaire", elle a relevé qu'il y avait des avocats du collectif qui ne partageaient pas cette conception. Elle a cité, à ce titre, Me Giselle Halimi qui lui avait fait part de son "désaccord" avec Jacques Verges sur cette question, en expliquant qu'elle ne pouvait pas "sacrifier" le détenu dans un contexte où la peine de mort était en vigueur. Sur cette question, Me Ali Haroun, membre du Comité fédéral de la Fédération FLN de France, a insisté sur le fait que "le FLN n'a jamais sacrifié ses détenus, dans la mesure, a-t-il précisé, où les avocats pouvaient plaider dans le fond un dossier, sans recourir à la stratégie de rupture". Abordant le sujet du collectif des avocats belges au service de la Révolution algérienne, Linda Amiri, de la Faculté des sciences humaines de Strasbourg (France), a indiqué que ce collectif était rattaché à la Fédération de France du FLN. La constitution du collectif d'avocats belges autour de Serge Moureaux, Marc de Kock, Cécile Draps et André Merchie, a-t-elle expliqué, rentrait dans le cadre de l'internationalisation de la question algérienne. Elle a rappelé aussi, dans ce contexte, la formation par des intellectuels belges d'un comité de paix en Algérie, estimant que les deux structures (comité et collectif) oeuvraient à porter la voix du combat algérien en Europe. Mme Amiri a ajouté que le collectif des avocats belges avait été derrière l'organisation de deux colloques, le premier à Bruxelles, en 1961, et le deuxième à Rome, en 1962, sur le thème "Le droit international et la question algérienne".