Le colloque international, organisé par l'association les Amis de Abdelhamid Benzine et consacré à “Algérie 1954-1962. Des robes noires au front : entre engagement et art judiciaire'' a rendu, hier, un vibrant hommage à deux militants, très chers à l'Algérie, à savoir Abdelhamid Benzine et Ahmed Akkache. Dans une intervention émouvante, Fadila Akkache, la fille de l'ancien secrétaire du Parti communiste algérien (PCA), décédé le 8 octobre dernier à l'âge de 84 ans, a rappelé que l'ex-nationaliste et condamné à mort “n'a pas eu droit à un hommage officiel”. Pourtant, précisera-t-elle, “il a mis son savoir au service de son pays, qu'il n'a jamais quitté”. Mlle Akkache, brandissant un vieil exemplaire du journal Liberté (organe central du PCA), datant de Mars 1952, a tenu à lire quelques passages d'une contribution écrite à l'époque par son défunt père, où il revendiquait haut et fort “la Libération nationale” de l'Algérie. “Il était toujours optimiste et croyait au changement en Algérie et dans les pays arabes”, a-t-elle ajouté, en notant avec un sourire que “les jeunes des pays arabes lui ont rendu hommage”. D'autres intervenants lui ont succédé pour témoigner de “l'action”, voire “la puissance” d'Ahmed Akkache, cet intellectuel auteur notamment de “La révolte des saints” et “l'Algérie face à la mondialisation”. “Depuis au moins 2 ans, l'action d'Ahmed a été mise à mal par des analyses économiques”, a soutenu notre confrère Mohamed Bouhamidi. Le président de l'association organisatrice du colloque, Belkacem Mostefaoui, pour sa part, a insisté sur “les idéaux” portés par Benzine : “humanisme, liberté et algérianité”. Selon lui, l'ancien membre de l'ALN, également membre du Comité central du PCA et doyen de la presse, qui avait été torturé et interné, notamment dans le camp de Lambèse, “croyait à ces idéaux” et représentait “une conscience”. “Ce qui nous fait défaut aujourd'hui, ce sont les consciences nationales face aux nouveaux combats, face aux combats les plus actuels”, a-t-il dit. Le colloque international, qui s'achèvera aujourd'hui, coïncide avec la 7e commémoration de la disparition d'Abdelhamid Benzine. Comme les trois précédentes, la rencontre d'hier et celle d'aujourd'hui ont pour but de “donner un sens” aux idéaux du défunt, en revisitant cette fois le travail fait par des avocats algériens, français et belges, durant la période coloniale. D'après Malika El-Korso, chercheur en histoire, qui a aidé les Amis de Abdelhamid Benzine sur le plan scientifique, “la thématique du colloque n'a jamais fait l'objet d'un traitement universitaire”, alors que ces robes noires “portent les stigmates d'un combat inégal”, engagé entre la puissance coloniale française et un peuple qui voulait s'affranchir. Au cours de la journée d'hier, il a beaucoup été question de ce “nouvel art judiciaire” qui a transformé des avocats en “véritables agents du FLN”, le prétoire en “tribunal dans le tribunal”, sinon en un lieu de “dénonciation”. L'essentiel était de dire, en ces temps-là, “les sacrifices d'un peuple”, certes démuni, mais déterminé à se libérer, de “médiatiser la guerre de Libération nationale”. Les avocats ont ainsi parlé et écrit. Ils ont protesté “contre les conditions de détention”, rapporté “les dernières paroles des guillotinés” ou “les chants des détenus politiques dans les cellules (de prisons)”. D'aucuns ont joué “un rôle éminemment politique”, devenant des “agents de liaison” du Front et en contribuant à la fuite de documents (cas du livre la Question d'Henri Alleg). Les avocats se sont organisés en collectif, en Algérie, en France et ensuite en Belgique. Ils sont devenus des “témoins gênants” et seront alors internés dans des camps ou assassinés, notamment par les services français ou l'OAS. “Puisse ce colloque stimuler les souvenirs et la plume”, a affirmé Mme El-Korso, en appuyant “la sauvegarde de la mémoire judiciaire de l'oubli et des manipulations”.