Les deux annonces faites lundi par le président de la République relatives à la mise sur pied d'une commission indépendante d'experts nationaux dans le domaine des médias audiovisuels, de la communication et de l'information, et l'instauration d'une Autorité de régulation des médias, sont différemment appréciées par des professionnels de la presse approchés par l'APS. Le journaliste de la télévision algérienne et producteur de l'émission sur le patrimoine culturel amazigh "Thamourth Enagh", Chérif Maameri, pense que ces décisions, notamment celle relative à la commission d'experts nationaux dans le domaine de l'audiovisuel, interviennent "au moment opportun". "Le secteur de l'audiovisuel souffre beaucoup du manque d'une instance ou d'un outil de régulation capable de mettre de l'ordre dans un métier en évolution rapide", a-t-il observé à ce propos. Partant du constat faisant qu'il n'existe plus un pays au monde qui ne possède pas un Conseil supérieur de l'audiovisuel ou d'une instance équivalente, M. Maameri trouve "logique" que les pouvoirs publics s'activent à rattraper ce "retard". Pour lui, il est important que les professionnels s'impliquent dans ces décisions, estimant cependant que ces décisions doivent être entérinées sur le terrain. Tout en se disant optimiste quant à l'avenir du secteur audiovisuel en Algérie, Il a néanmoins exprimé certaines appréhensions sur la mise en oeuvre de ces décision, à la lumière, a-t-il argué, des décisions prises dans le passé et qui ont connu finalement "le fond des tiroirs". Dans son appréciation de ces deux décisions, le journaliste de la chaîne III de la Radio nationale et également producteur d'une émission sur la guerre de libération nationale, Hassen Arab, a mis en avant "l'impératif" d'ouvrir davantage le champ médiatique national et de procéder à son organisation. Pour lui, le secteur de la presse qui a connu une évolution "assez conséquente" sur le plan quantitatif, "a besoin de connaître la même évolution sur le plan qualitatif". Certes, il faut aller vers plus d'ouverture, a-t-il souligné, mais avec plus de professionnalisation et un seuil "tolérable" de régulation. Il a plaidé, dans ce cadre, pour l'implication de l'ensemble des professionnels du secteur dans ce chantier "important", en associant, a-t-il dit, des experts tels que l'a préconisé le chef de l'Etat dans ses orientations sur le secteur. Ahmed Magaache, un ancien journaliste de la télévision algérienne, a déploré, à ce sujet, l'absence de débat sur cette question, relevant les retards pris dans le domaine particulier de l'audiovisuel. Il a estimé, dans ce cadre, que les pouvoirs publics pouvaient bien donner de la crédibilité à leur démarche, en décidant, dès la levée de l'état d'urgence, la réactivation du Haut conseil de l'information. Il a néanmoins préconisé l'ouverture d'un débat avec les professionnels qui "jugeront de l'opportunité de créer d'autres instances de régulation". Tout en affichant son optimisme quant à l'opportunité des décisions prises par l'Etat afin d'organiser le secteur de la presse, l'ancien membre de la direction du Syndicat national des journalistes (SNJ), Mohamed Ridhaoui, a mis en exergue "l'urgence" de traduire ces décisions sur le terrain. "Il est urgent de mettre de l'ordre dans une profession qui souffre d'une anarchie chronique", a-t-il souligné, tout en observant que "la presse se trouve parasitée et des gens qui ne sont intéressés que par l'argent". Ce journaliste de la chaîne III de la Radio nationale n'a pas caché, cependant, ses appréhensions de voir le ministère de la Communication ouvrir les portes à de "pseudo organisations syndicales, dont les dirigeants ne représenteraient qu'eux-mêmes". Le ministère, selon lui, est appelé à ouvrir le débat avec l'ensemble de la corporation qui doit élire ses délégués aux assises sur la presse afin, a-t-il dit, de pallier à l'absence de représentativité syndicale dans ce secteur. Il a néanmoins estimé que les deux décisions prises par le président Bouteflika entrent dans le cadre de la révision de la loi organique sur l'information qui gagnerait, a-t-il suggéré, à être améliorée. De son côté, le chroniqueur du quotidien Le Jeune indépendant, Zoubir Khelaïfia, n'a pas caché sa satisfaction de voir "enfin" les pouvoirs publics proposer du "concret" pour la réorganisation du secteur de la presse. Pour ce membre actif de l"'initiative nationale pour la dignité de la presse", le secteur se trouve dans une situation d"'anarchie" telle qu'elle exige des décisions "courageuses" et "urgentes". Tout en exprimant son penchant pour un secteur public "puissant" qui consacre l'indépendance du journaliste et qui favorise la notion de service public, le militant associatif Hamid Farhi a toutefois mis en avant ses craintes de voir ces décisions n'obéir qu'aux exigences d'une conjoncture politique. Il a estimé, dans ce cadre, que les experts devront préconiser, en premier lieu, la diversification et la consolidation des médias audiovisuels publics, afin de préparer ce secteur à une rude concurrence avec le privé dans l'avenir de plus en plus proche. Ce secteur d'autorité, c'est-à-dire les médias lourds, est d'une telle importance, selon lui, qu'un désengagement total de la puissance publique "est susceptible de fragiliser la souveraineté nationale".