SETIF- A Beni Aziz, chef-lieu d'une daïra montagneuse,au nord-est de Sétif, une charmante et paisible cité où règne une enviable harmonie laissant penser que l'enclavement n'a pas que des mauvais côtés, l'avenir c'est le tourisme par le développement et la prise en charge du patrimoine historique et naturel de cette région gorgée d'histoire. Il est connu que la population conserve, ici, une vieille tradition d'émigration qui fait partir, depuis des temps immémoriaux, les gens du coin dans des contrées lointaines, de l'autre côté de la mer. La plupart, pourtant, garde un lien solide avec la région natale et avec cette ville de montagne, ouverte et accueillante en dépit d'un conservatisme qui n'est pas simulé dans ces terroirs austères. L'on vit ici d'une agriculture de montagne essentiellement vivrière, dans un milieu naturel d'une beauté saisissante, que la nature vierge de toute pollution et l'oued Bourdim aux eaux claires semblent mettre dans un écrin, à l'heure où, ailleurs, les réseaux d'assainissement sauvages ont mis à mort de bien belles vallées. Pour les notables de Beni Aziz, une cité pourtant modeste, qui compte depuis les âges lointains, de nombreux lettrés à chaque génération, le dilemme est de promouvoir le tourisme pour assurer l'avenir, sans rien perdre de ses traditions articulées autour d'une sobriété et d'une réserve de bon aloi. Déjà, la forêt voisine de Ouelbane, un cadre féerique sécurisé et accessible par une route parfaitement carrossable, accueille chaque week-end de nombreux visiteurs. Les gens de Beni Aziz se disent favorables à ce tourisme local qui, en s'organisant et en se développant, est susceptible de donner vie à un commerce salvateur pour une région dont le principal souci a toujours été l'emploi sur place. Depuis longtemps, tant d'adultes ont été contraints d'aller travailler ailleurs, et d'être ainsi privés de voir leurs enfants grandir. Région chargée d'histoire, la daïra de Béni Aziz abrite, à moins de 7 km de la ville, le site archéologique d'Ikdjane, qui renferme plusieurs strates, relevant de plusieurs époques, témoignant d'une phase importante de la civilisation musulmane, romaine, numide et autres. Berceau des Fatimides qui fondèrent Le Caire C'est en effet d'ici qu'est partie, à la fin du 9ème siècle de l'ère chrétienne, le signal de la dynastie des Fatimides, armée par les berbères Koutamas, qui fonda Le Caire et El Azhar, l'une des premières universités au monde. Passionné d'histoire, Boudjemâa Lahouassa, professeur d'anglais, est le guide idéal pour découvrir le site d'Ikdjane où, d'emblée, des jeunes gardiens des lieux, montrent les plus récentes découvertes lors de fouilles fortuites et superficielles, des poteries Fatimides finement ciselées, avec une belle calligraphie arabe, ainsi que des pièces en bronze, à l'effigie de Massinissa côté face et un cheval barbe côté pile. "La Kalaa d'Ikdjane demeurera un repère cardinal de l'histoire du Maghreb central, autant que la Kalaa des Beni Hammad, celle des Beni Abbas, de Tihert, de Tobna, de Ghardaïa, de Constantine ou de Tlemcen qui représente, cette année, tous ces sites, en tant que capitale de la culture islamique", affirme M. Lahouassa qui plaide pour un "vrai programme de développement touristique et culturel" de cette région. Pour lui, ce programme devra prévoir, en priorité, un musée qui abritera de précieuses pièces qui dorment actuellement au musée de Sétif et certaines autres, au musée Cirta de Constantine. Il déplore aussi le fait qu'une association d'histoire et de culture, créée en 2000, n'a pas été validée par un agrément officiel des autorités de la wilaya. Pendant que l'on écoute M. Lahouassa, racontant, intarissable devant les vestiges de la Kalaa d'Ikdjane, les circonstances de la naissance du califat Fatimide, l'on est à la fois fasciné par la profondeur historique que conserve cette région, et par le panorama grandiose de ces montagnes qui s'ouvrent au nord, à trente kilomètre à vol d'oiseau, sur Jijel, à l'est sur Constantine et Mila, au sud sur El Eulma et au sud-ouest sur Sétif. Ici, l'exode pour le travail, a réduit considérablement la population qui était plus peuplée en 1962 qu'elle ne l'est actuellement. Le chef de daïra de Beni Aziz, Salah Noui, explique que deux grands projets en cours de réalisation dans la région, ont malgré tout "donné du souffle" à l'emploi. Il s'agit du grand transfert hydraulique qui nécessite la construction d'un méga tunnel, et le chantier de la double voie Sétif-Jijel, qui "justifiera,précisément des projections en matière d'infrastructures touristiques", a-t-il dit. Pour les habitants de Beni Aziz, cette route importante, une fois réalisée, ouvrira sans doute, de nouvelles perspectives de développement pour cette ville, "longtemps et injustement oubliée", s'agissant de son poids historique et civilisationnel, en dépit des efforts de développements qui lui donnent, déjà, un aspect décent car, ici, nul trace de précarité n'est perçue de prime abord par le visiteur.