ALGER - Les dimensions de la beauté et de l'amour chez le maître soufi Ibn Arabi (1165-1240) ont été abordées samedi soir par le chercheur-anthropologue, spécialiste de soufisme, le Dr. Zaïm Khenchelaoui. S'exprimant lors d'une rencontre sur le thème "L'alchimie de l'amour chez Ibn Arabi" qu'il a animé au quotidien "Algérie News", le Dr. Khenchelaoui a d'emblée souligné que parler d'Ibn Arabi "c'est un peu comme aborder le rivage d'un océan sans limite ou le pied d'une montagne au sommet se perdant dans les nuages". Il a expliqué ceci du fait de "l'ampleur et la profondeur surhumaines de l'œuvre littéraire de celui que l'islam considère comme le plus grand mystique et visionnaire de tous les temps". Le chercheur a en suite abordé certains aspects de l'œuvre "al-futûhât al-makkiyya" (les Révélations de la Mecque) d'Ibn Arabi, qu'il a qualifié de "grand alchimiste de l'amour". Il a évoqué aussi son parcours initiatique et l'intimité de son expérience mystique, tout en précisant, à chaque fois, que le thème de l'amour demeure, par son "jaillissement exceptionnel", l'une des clés de ces écrits. Rappelant que certains penseurs occidentaux considéraient Ibn Arabi, appelé aussi Cheikh El-Akbar (Le plus grand maître), comme l'auteur de "l'œuvre théologique, mystique et métaphysique la plus considérable qu'un homme ait jamais réalisé". Abordant la théorie de la beauté, le Dr Khenchelaoui a noté que "nombreux sont les récits biographiques qui traitent du parcours exceptionnel de cette grande figure mystique. Sauf son rapport aux femmes, un aspect de sa vie qu'on a jusqu'ici, très peu abordé". Cependant, il a expliqué qu'Ibn Arabi décrit tous les phénomènes rencontrés dans sa "quête effrénée" de la beauté ainsi que les étapes préparatoires à l'amour mystique, en commençant par l'amour physique, avec "une précision chirurgicale et une rigueur digne d'un psychanalyste". "L'amour chez Ibn Arabi est la co-émergence de l'intériorité sensitive, telle que la différenciation entre érotisme, tendresse, volupté, sensualité, adoration, ardeur, ferveur, folie, passion, etc., relève pratiquement de l'impossible", a-t-il dit, ajoutant que "les propos du Maître sont délibérément vagues, ambigus et peuvent s'interpréter à plusieurs niveaux". Il a toutefois précisé que même si elle est d'un abord "glacial", sa vision amoureuse dégage une "puissance extraordinaire". La beauté semble être chez lui "la cause directe de l'amour et l'inspiratrice de la passion", a-t-il estimé. A propos de l'amour, le Dr. Khenchelaoui a tenu à préciser que dans l'£uvre d'Ibn Arabi se dégage une "véritable hiérarchie de l'amour". A cet égard, il a cité comme exemple le passage du livre "al-futûhât al-makkiyya" dans lequel le Maître dit :"Sache que l'amour comprend trois niveau : divin, spirituel et naturel". Selon le même passage, Ibn Arabi explique ces trois niveaux de l'amour ainsi : "Point d'amour en dehors de ces trois dimensions. L'amour divin, c'est l'amour de Dieu pour nous. Notre amour pour Dieu pourrait, dans une certaine mesure, être qualifié lui aussi de divin. L'amour spirituel, c'est l'amour qui n'a d'autre but que celui de satisfaire le sujet aimé de façon à ce qu'il ne reste aucune finalité ni aucun désir à l'amoureux. Celui-ci devient la victime de son amour. Enfin, l'amour naturel est celui dont le but n'est autre que la satisfaction de soi-même sans tenir compte du consentement du sujet aimé. C'est de cet amour que parlent le commun des mortels.". Mohammad Ibn Ali Ibn Arabî al-Hâtimî, d'origine arabe plus connu sous son seul nom de Ibn Arabi est né le 7 août 1165, à Murcie, en Andalousie (actuelle Espagne), et mort en 1240, à Damas en Syrie. Auteur de 846 ouvrages, Ibn Arabi fut le premier philosophe musulman à formaliser la tradition soufie, et aussi un théologien, juriste, poète et métaphysicien.