C'est devenu une tradition. La rencontre internationale autour du soufisme se tient depuis hier à Alger où se déroulent, en même temps, les activités d' “Alger, capitale de la culture arabe”. Après Tlemcen et récemment Béjaïa, ce rendez vous à la fois spirituel et scientifique, se déroulera sous le thème, de “La sacro-sainte triade mystique” qui est composée de l'exotérisme, le mésotérisme et l'ésotérisme, suivant ainsi “la nature même de l'initiation mystique en islam qui passe par une progression verticale conformément au concept de force d'inertie sur lequel se base la loi du mouvement”, selon le texte introductif élaboré par le coordinateur scientifique du colloque, le Dr Zaïm Khenchelaoui. Ce colloque qui en est à sa quatrième édition est initié comme d'habitude par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques (CNRPAH). Des chercheurs internationaux se sont déplacés à partir d'une vingtaine de pays pour participer à ce colloque qui durera trois jours et auquel se joindront bien entendu les nôtres. “Cet événement à la fois scientifique et culturel est organisé dans le souci de créer un espace de discussions et de réflexion entre chercheurs de différents horizons spécialisés dans le soufisme qui représente un legs spirituel hérité des ancêtres” soutiennent les organisateurs. Dans son texte introductif, le Dr Zaïm Khenchelaoui a noté que l'itinéraire initiatique “ traverse trois niveaux d'intelligence, dure trois temps et siège dans trois emplacements en rapport avec les trois foyers de conscience : le cerveau, l'âme et l'esprit ”, ajoutant que “ le soufisme est une sorte de superscience que l'on ne peut obtenir autrement que par les flux et les effusions répandus par Dieu, et par la mobilisation du pouvoir captateur chez l'homme ”. Le Dr Khenchelaoui, qui est aussi directeur de recherches au CNRPAH, explique que ces trois principaux axes (l'exotérisme, le mésotérisme et l'ésotérisme) que traitera, trois jours durant, le colloque, correspondent respectivement à la Sharî'a (loi islamique), la tarîqa (voie d'initiation) et enfin à la haqîqa (faculté de connaissance visionnaire). Ce dernier axe (ésotérisme) permet, selon le Dr.Khenchelaoui, au soufi “ devenu fin prêt à sortir de l'absurdité et à marcher ver le Réel, de quitter l'état d'ivresse existentielle et d'agitation inutile.” Selon Khenchelaoui cette rencontre sera dédiée à la mémoire de deux saint-patrons, en l'occurrence Sidi Abd Al-Rahmân ben Muhammad ben Makhlûf Al-Thaâlibî (1384-1470) et Sidi Muhammad ben Abd Al-Rahmân al-Gashtûlî al-Azharî al-Zawâwi (1715-1793). Estimant qu'Alger est un “ dôme de l'islam et sirène de la Méditerranée ”, il a souligné que cette “ cité mystique qui a toujours été une tour de garde pour les mystiques et un “ Pardès ” pour les femmes et hommes de Dieu, jouit de l'éternelle et bienheureuse protection de son saint-patron (Sidi Abd Al-Rahmân) ”. Ce colloque représente “ une occasion chanceuse” pour célébrer la mémoire de Sidi M'hamed, l'autre saint patron d'El-Bahdja, communément appelé Hamr al-lahyâ bû qabrîn et présenté par le Dr.Khenchelaoui comme “ l'apôtre de la khalwatiyya et fondateur éponyme de la rahmânyya” (deux confréries soufies parmi les quelque quarante que compte l'Algérie). Outre les travaux scientifiques qui seront présentés par des spécialistes venus du Liban, de la Syrie, du Japon, de l'Azerbaïdjan, de l'Albanie, du Sénégal, du Maroc, de l'Iran, de la Turquie, du Pakistan, etc…ce rendez vous comprendra un volet artistique qui sera assuré par des chorales de chants soufis des différentes régions d'Algérie ainsi que de nombreux pays arabes et musulmans. “Nous nous engageons à ce que cette prochaine édition constitue un réel sursaut sur le chemin perfectible et exigent des sciences humaines en général et de l'anthropologie en particulier ”, a tenu à souligner le Dr Khenchelaoui, espérant que ce rendez-vous “ puisse rapprocher toutes les branches de cet ordre ”. Qu'est ce que le soufisme ? Le mot soufisme viendrait du terme arabe “tassawwuf ” qui est un mouvement de spiritualité de l'islam. Les soufis se regroupent en confréries, dont les premières sont nées en terre chiite, sous l'impulsion de Rumi, au XIIème siècle de l'ère chrétienne. Le mot soufisme aurait été forgé à partir du mot “ el-soufiya ” qui désigne en arabe l'homme qui a réalisé pleinement sa spiritualité et qui est arrivé au terme de la Voie. Tous les gens qui suivent le chemin du “ tassawuf ” ne sont pas des “ soufis ” mais des “ aspirants ” à la voie spirituelle, guidés par des “ soufis ”, ou encore des maîtres spirituels. Le tassawwuf consiste à pratiquer l'Islam, tout d'abord comme tous les autres musulmans, et à en faire plus, tant au niveau des prières, que du jeûne. On retrouve aussi des pratiques ascétiques pour purifier l'ego et surtout le “ dhikr ”, qu'on pourrait traduire par “ rappel ”, qui consiste à se remémorer Dieu notamment en répétant des noms divins, seul ou à plusieurs. Une autre pratique régulière que l'on retrouve dans le “ tassawuf ”, c'est la récitation de bénédictions sur le Prophète Muhammed. Le tassawuf a pour but de conduire au degré de l'excellence de la foi et du comportement (al-ihsân) qui, par la purification du cœur, conduit à la sincérité spirituelle (ikhlâs) permettant d'accueillir la Lumière divine, par laquelle on connaît, par laquelle on voit ; mais peu arrivent à ce but. Celui qui arrive au but - le soufi -, après avoir mené le grand combat, dépouillé de son individualité (ego) et délivré de toutes les visions partielles et illusoires qui y sont attachées, prend vie en Dieu, et n'agit que par Lui ainsi qu'Il l'a dit : “ Mon Serviteur ne s'approche pas de Moi par quelque chose que J'aime davantage que par les actes que Je lui ai prescrits, Il ne cesse de s'approcher de Moi par les œuvres surérogatoires jusqu'à ce que Je l'aime. Et lorsque Je l'aime, Je suis l'ouïe par laquelle il entend, la vue par laquelle il voit, la main par laquelle il saisit… ” (Hadith qoudsi rapporté par Al-Bokhari).