ALGER - Le massacre perpétré par la police française contre les Algériens lors des manifestations pacifiques du 17 octobre 1961 à Paris, interpelle l'humanité entière sur les crimes commis contre les peuples colonisés, a indiqué l'avocat algérien Miloud Brahimi dans un entretien à l'APS. La reconnaissance de ces massacres, estime Me Brahimi, relève plus d'un "combat qui se place au niveau de la morale politique que sur le plan juridique". Pour lui, la question de la prescription des crimes contre l'humanité, dans le cas de la colonisation, non prévue dans le statut de la cour pénale internationale (CPI), "ne veut nullement dire que les auteurs de ces crimes ne sont pas interpellés sur le plan de la morale politique". Il a expliqué, dans ce cadre, qu'il était prévisible que le recours à la justice française par les victimes de la répression sanglante perpétrée par la police de Maurice Papon, le 17 octobre 1961, n'allait pas aboutir. L'Association du 8 mai 1945 s'est constituée, pour rappel, comme partie civile, en accompagnant un groupe de victimes des manifestations du 17 octobre 1961, dans un procès intenté contre l'Etat français pour "crime d'Etat". Les plaignants ont été déboutés dans ce procès par la justice française. Me Brahimi a justifié son constat en rappelant que la France n'avait pas reconnu le principe de la rétroaction de sa responsabilité lors de sa reconnaissance de la guerre d'Algérie, dans sa loi de 1994. Il a également souligné que l'adhésion de la France au CPI "ne peut être un moyen pour l'interpeller juridiquement sur sa responsabilité des crimes commis durant de la colonisation", arguant qu'au CPI, "ne sont considérés recevables que les crimes commis par un Etat après son adhésion à son statut". Qualifiant la question des crimes contre l'humanité commis durant la période coloniale de "complexe", Me Brahimi s'est interrogé sur la règle de deux poids deux mesures observée en France sur la question des crimes contre l'humanité. Il a souligné à ce sujet que Maurice Papon, le patron de la police française au moment des évènements du 17 octobre, avait été déféré devant la justice pour des crimes plus anciens commis par les nazis, durant la seconde guerre mondiale, alors que "sa responsabilité directe est reconnue" dans des crimes plus récents, a savoir, a-t-il dit, les massacres du 17 octobre 1961. Il s'est encore interrogé sur les motivations qui poussent le président français actuel, Nicolas Sarkozy, à demander à l'Etat turc de reconnaître le génocide perpétré contre les Arméniens, alors qu'il refuse de le faire pour les crimes commis en Algérie et contre les Algériens qui vivaient en France. "Doit-on comprendre par là que les Arméniens accèdent, par la volonté de Sarkozy, au statut de l'humanité et pas les Algériens et les autres peuples ayant subi les affres de la colonisation ?", s'est encore interrogé Me Brahimi. Tout en qualifiant de "bon geste" la récente visite de l'ambassadeur français en Algérie à la prison de Serkadji, pour s'incliner devant la stèle commémorative érigée à la mémoire des Algériens guillotinés par la France coloniale, il a reconnu que des Français commençaient à reconnaître "clairement" que des injustices ont été perpétrées contre les Algériens. Il a également souligné, dans ce cadre, qu'un peu partout en France, dans certaines municipalités, des monuments sont érigés à la mémoire des victimes des massacres du 17 octobre 1961, et même des rues et des placettes publiques portent le nom de ces manifestations, en souvenir de ces douloureux événements. Me Brahim a aussi qualifié la demande du Parti socialiste de reconnaître les massacres du 17 octobre 1961 comme crime d'Etat, de "grande avancée", estimant que "le combat pour cette reconnaissance morale de ces crimes demeuraient toujours d'actualité".