ALGER - A la veille du déclenchement de la guerre de libération nationale, les Algériens étaient prêts, mûrs pour la révolution : en fait toutes les conditions socio-économiques et politiques étaient réunies, en cet automne 1954, pour la lutte ultime contre la colonisation française. La révolution de novembre 1954, qui a permis au peuple algérien de se prendre en charge pour se libérer du joug colonial, a été selon de nombreux historiens et moudjahidine le fruit de plusieurs années de combat politique. Du PPA (Parti du peuple algérien) au MTLD (Manifeste pour le triomphe des libertés démocratiques) à l'OS (Organisation spéciale), au début des années 1950, puis l'aboutissement final avec la naissance du FLN. Sur le plan, autant politique qu'économique, les conditions historiques étaient réunies pour le dernier soulèvement du peuple algérien contre l'occupant français, selon des moudjahidine. ''Au sein du PPA et du MTLD, nous militions pour faire la guerre et non pas la politique'', estime un militant et moudjahid de la première heure, Larbi Alilat, selon lequel ''nous savions qu'il n'y avait que la lutte armée pour faire sortir la France de notre pays''. Au lendemain de la fin de la Seconde Guerre mondiale, et jusqu'au début des années 1950, les Algériens des campagnes manquaient de tout et vivaient dans des conditions très dures. La paysannerie algérienne était même réduite dans certaines régions du pays, selon des sociologues français, ''à l'état d'esclavage'' avec le système de production dit du ''Khemassat'' (1/5e seulement de la production allait à l'agriculteur), le reste au propriétaire terrien. Dans les fermes des ''Européens'', les travailleurs algériens trimaient comme des esclaves pour assurer la prospérité des colons, alors que dans les villes, le sous-emploi et le chômage était le lot quotidien des ''indigènes''. ''C'était très dur, des années de disette dont on se souvient jusqu'à aujourd'hui'', raconte une ancienne habitante de la Casbah à Alger, qui précise que ''parfois les hommes, à la fin des années 1940, portaient même des sacs de jute''. En face, les Européens, colons et fils de colons, faisaient la fête pour célébrer le ''boom'' économique, qui avait suivi le ''plan Marshall'', au lendemain de la reconstruction de l'Europe, dévastée par la guerre. Une situation qui, selon des historiens de la guerre de libération nationale, a accéléré le processus de déclenchement de la lutte armée, devenue par ailleurs l'unique solution pour libérer le pays après les massacres du 8 mai 1945. Et la vraie nature du colonialisme français, même après ''la Libération''. ''L'idée d'une résistance par tous les moyens pour chasser l'occupant, animait l'Algérien depuis 1830'', relève Mohamed Mechati, un des historiques de la révolution armée. Mohamed Mechati, membre des ''22'', précise à l'APS que la lutte de libération nationale était devenue ''réalité particulièrement après les massacres du 8 mai 1945''. Les ingrédients de la révolte, ultime après celles de l'émir Abdelkader, Bouamama, El Mokrani, Ahaddad, entre autres héros de 130 ans de guerres pour la libération nationale, étaient dès lors présents dans cette trame particulière de l'histoire de la nation algérienne. Dès le début des années 1950, les Algériens étaient prêts à la Révolution, et la création du Front de libération nationale constituait en fait le dernier élément d'un rapide processus politique et historique pour la renaissance de la nation algérienne, au bout de sept longues années de guerre contre l'une des plus puissantes armées coloniales, la France. Mohamed Mechati résume cette sensation qui habitait chaque Algérien à la veille du déclenchement de la révolution armée : ''L'élan libérateur qui animait chacun des militants, la vision claire qui ne souffrait d'aucune hésitation et l'engagement de tous dans le mouvement de l'histoire ont conforté le choix décisif d'engager une action révolutionnaire pour libérer le pays''. La redécouverte de l'histoire de la guerre de libération nationale, après des milliers de témoignages, des centaines d'ouvrages, de documents et d'archives, plus émouvants les uns que les autres, reste toujours une aventure incomparable, extraordinaire, pour tous ceux qui veulent s'y plonger, le temps d'une commémoration, d'un anniversaire.