Le colloque international sur les accords d'Evian s'est déroulé samedi sous haute surveillance dans la ville éponyme après qu'un groupuscule composé de pieds noirs nostalgiques de l'Algérie française, soutenus par des harkis aient tenté d'en perturber le déroulement. Un dispositif de sécurité a par la suite été déployé aux alentours du Palais des congrès, lieu du déroulement du colloque qui s'est ensuite poursuivi par la présentation d'exposés d'universitaires, historiens, et représentants d'associations, destinés à éclairer le public sur la portée des accords d'Evian, signés le 18 mars 1962, entre le GPRA et le gouvernement français. M. Jean Philipe Ould Aoudia, président de l'Association Les amis de Max Marchand, de Mouloud Feraoun et de leurs compagnons, a dans ce contexte tenu à remercier M. Marc Francina, maire d'Evian (UMP) pour avoir permis la tenue de ce colloque, "parce que dans d'autres municipalités, Nice ou Nîmes, des élus maire mais aussi représentants de l'Etat, se sont opposés à ce que des universitaires parlent". " On interdit de parole les universitaires au prétexte qu'ils parlent de la guerre d'Algérie" a-t-il dit, se demandant, si les tenants de l'Algérie française étaient les seuls détenteurs de la vérité sur cette guerre. " C'est une question que je me pose", a-t-il ajouté et d'estimer "en tout cas nos adversaires sont persuadés qu'ils détiennent la vérité et ne supportent pas que d'autres expriment leurs points de vue, et leur point de vue ce n'est pas forcement la vérité". " Il est inadmissible que nous soyons interdits de paroles en France en 2012", a déclaré M. Ould Aoudia, ajoutant "qu'une minorité de braillards s'arroge le droit de nous empêcher de parler est absolument dérisoire et pitoyable". Marc Perrenoud, du service historique du ministère des Affaires étrangères helvétique, a donné au public des éclairages sur le rôle de la diplomatie suisse lors de la préparation des accords d'Evian, souvent mentionné comme une démonstration exemplaire de la politique de neutralité active de ce pays. Il a ainsi indiqué que des facteurs ont marqué l'implication de la Suisse dans la guerre de libération nationale, relevant que dès ses débuts, la guerre d'Algérie a eu des effets sur le territoire de la Confédération. Il a rappelé que la décision de déclencher le conflit armé fut prise en 1954 à Berne par cinq des neufs chefs historiques qui se réunirent dans la capitale fédérale alors que la vigilance des policiers était absorbée par la coupe du monde de football, rappelant que les autorités suisses exerçaient une surveillance des Algériens qui séjournaient en Suisse. Par ailleurs, une nette prédilection des Algériens pour les universités suisses était constatée, a-t-il dit, sans compter le fait que la répression en France incita de plus en plus les organisations algériennes à se replier sur la Confédération helvétique. La Suisse, a indiqué M. Perrenoud, a également été marquée par un mouvement de solidarité avec les chefs historiques de la révolution algérienne et des militants suisses leur venaient en aide pour des raisons politiques, religieuses, intellectuelles ou humanitaires, rappelant que le réseau Jeanson de soutien au FLN avait également développé ses activités en Suisse. Des ouvrages interdits en France, pouvaient par ailleurs être édités en Suisse, tel que l'ouvrage du directeur d'Alger Républicain Hanri Alleg, auteur de "La question", sur la pratique de la torture par l'armée française. L'acheminement des armes et les transferts de fonds en Suisse, en faveur du FLN, ont également été évoqués par le conférencier. Présent au colloque le président de l'Association France Algérie, le sénateur de Belfort Jean Pierre Chevènement a estimé quant à lui, que l'Algérie et la France "peuvent travailler sur la mémoire mais en pensant qu'il y a un avenir entre eux" et soulignant le " potentiel considérable" qui existe dans cette relation. Jean-Paul Cahn de l'université de Paris IV, est intervenu sur la position des deux Allemagne de l'époque (RDA et RFA) face à la guerre d'Algérie, observant qu'elles n'ont pas appréhendé le problème de la décolonisation de l'Algérie de la même manière. Bonn, a-t-il dit, se trouvait sous la pression de Paris et soutenait la position de la politique coloniale de la France en Algérie. Mais dans le même temps les capitales arabes allaient exercer de plus en plus de pressions sur la RFA avec un éternel argument, lié précisément à la division de l'Allemagne " si vous soutenez éternellement la France, nous reconnaîtrons la RDA". Or, la reconnaissance de la RDA est l'un des piliers de la politique de Bonn et il fallait éviter à tout prix cette reconnaissance internationale, à l'époque. De son coté, en apportant son aide à l'Algérie, la RDA confortait ainsi sa présence sur la scène internationale et créait un nouvel équilibre international qui lui permettait de sortir de l'ombre de la RFA et se faire reconnaître", a commenté M. Cahn. Le reste des interventions ont notamment tourné autour des conséquences de la signature des accords d'Evian sur la France et sa politique intérieure. Par ailleurs, une des associations organisatrice du colloque a indiqué à l'APS, que la mairie d'Evian a décidé de baptiser l'année prochaine, le boulevard sur lequel est situé l'hôtel du parc, lieu où se sont déroulées les négociations d'Evian, " Le boulevard des accords d'Evian".