Le Centre des archives nationales accueille, depuis hier, un colloque international sur la Suisse et l'Algérie colonisée et l'évolution de leurs relations. Cette rencontre, prévue pour trois jours, s'est ouverte par l'inauguration d'une exposition de nombreux documents relatifs à la diplomatie algérienne et aux activités du bureau du FLN en Suisse, notamment les courriers durant la période des négociations d'Evian. L'intitulé de ce colloque « La Suisse, les espoirs algériens et les Accords d'Evian » pourrait prêter à confusion, parce que son objectif est loin de s'en tenir au passé et donc à l'histoire. C'est du moins le vœu qu'a formulé l'ambassadeur de Suisse en Algérie, Son Excellence Michel Gottret. Pour ce dernier, il s'agirait de dresser le profil des relations entre l'Algérie et la Suisse, en espérant les développer. Aussi, « en dressant la base des Accords d'Evian, cela permettrait de construire certains profils qui seront bénéfiques à nos deux pays », a-t-il précisé lors de son allocution d'ouverture. Et un peu comme pour illustrer ces relations ou pour donner un chapeau à ce colloque, tout en évitant un discours gouvernemental officiel, il cédera la parole à un Algérien vivant en Suisse, écrivain et dramaturge, Slimane Benaïssa en l'occurrence. « La Suisse (avec son) peuple est toujours solidaire du peuple algérien. Si hier il nous a aidés pour notre indépendance, aujourd'hui encore, il est solidaire dans notre dialogue pour construire la paix », a-t-il déclaré. Mais avant d'en arriver au présent, cette première journée a été essentiellement axée sur la colonisation et la décolonisation. Le premier intervenant, Marc Perrenoud (du service historique du département fédéral des Affaires étrangères suisses), donnera une présentation générale sur le discours de la Suisse et des Suisses pendant la colonisation de l'Algérie et la guerre d'indépendance. Si les officiels ont dès le début privilégié un discours qui adhère à celui des Français, la guerre d'indépendance semble, pour sa part, avoir changé la position des Suisses. La presse est majoritairement favorable à la guerre d'Algérie, qui n'est plus une rébellion d'indigènes. Claude Lützelschwab, lui, évoquera un cas de colonisation privée, en l'occurrence la Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif (1853-1956). Osman Benchérif, quant à lui, avait pour mission de porter un regard sur les Suisses et l'Algérie. Regard qui se résumerait à « sauver de l'oubli une histoire en commun avec la Suisse pour la restituer ». Le conférencier, auteur des Suisses et l'Algérie : chronique d'une mémoire commune (1831-2001) (Ed. Barzakh, 2002), a mené un véritable travail archéologique pour nous restituer, entre autres, les nombreux travaux d'artistes et de photographes helvétiques en Algérie : Windeman, Franck Buxer, Edward Herzig, Jean Kaezer... qui ont laissé à la postérité de nombreuses toiles orientalistes, ainsi que des photographies et des cartes postales, dont le thème se résume à cette colonie française. Au programme du volet cinématographique de cette journée, deux documentaires d'André Gazut, La Pacification en Algérie (2003) et Le Général de Bollardière (1974). L'auteur, caméraman, journaliste puis réalisateur et producteur à la Télévision suisse romande depuis 1961, est l'un des nombreux déserteurs de l'Armée française coloniale. Cette Algérie qui a changé sa vie, il continue d'en parler avec beaucoup de passion, notamment à travers ses documentaires.