Les anciens habitants du village de montagne de Djarallah, à l'extrême ouest du massif des Aurès, gardent l'espoir de redonner vie à leurs maisons et à leurs vergers, abandonnés depuis plus de trois décennies. C'est à l'occasion du 53e anniversaire de la grande bataille de Djarallah qu'un cortège de bus et de quelques dizaines de voitures ont rejoint ce village, avec les autorités locales, pour commémorer l'évènement et du coup "rendre vie, au moins pour un jour, à ce vieux village abandonné qui ne veut pas mourir", selon Mohamed Sahraoui, un Moudjahid qui fait régulièrement le trajet depuis T'kout, sur une vingtaine de km dont une bonne moitié sur piste rocailleuse "pour dissuader les braconniers et les maraudeurs de sévir". Cette rencontre commémorative a regroupé, mardi, de nombreux Moudjahidine, enfants de Chouhada et des jeunes du mouvement associatif de la daïra de T'kout, qui avaient préparé l'évènement pendant plusieurs jours, en nettoyant l'ancienne école du village dont les murs ont été repeints à la chaux et en installant des chaises et des bancs dans l'ancienne salle qui servait de réfectoire, où se sont rencontrés les participants. Auparavant, les services de la commune de T'kout ont aménagé à la niveleuse, une piste rocailleuse de près de 8 km qui relie le village inhabité de Djarallah, à la route goudronnée qui relie les communes de T'kout et de Kimel, pour faciliter le déplacement des véhicules, pour la circonstance. Dans une allocution prononcée devant l'assistance, le directeur de wilaya des Moudjahidine, Mohamed Seghir Souissi, représentant le wali de Batna, a souligné que la commémoration de cet anniversaire "traduit l'enthousiasme et la volonté de la jeunesse de la région quant à la conservation de la mémoire des luttes populaires pour l'émancipation nationale". Cette initiative, a-t-il dit, "reflète aussi la volonté des familles propriétaires des maisons, des vergers et des champs, de revenir rendre vie à ce village millénaire chargé d'histoire, témoignant d'un patrimoine matériel et immatériel inestimable". Il a ajouté, dans le même contexte, que les autorités locales demeurent à l'écoute des anciens habitants de Djarallah qui aspirent à retrouver leur village et à le reconstruire, après l'avoir abandonné, du fait du manque d'eau, à cause de la sécheresse, de l'enclavement et d'autres facteurs tels que la santé et l'éducation, à l'origine d'un exode rural massif. M. Souissi a affirmé que des projets de développement ruraux intégrés, de construction de routes et d'électrification rurale seront envisagés pour les habitants désireux de repeupler le village, lorsque des prospections permettront de mettre au jour des ressources hydriques. Le même responsable a rendu hommage à la résistance héroïque des habitants de ce village, précisant que Djarallah qui fut le théâtre d'une grande bataille de l'Armée de libération nationale (ALN), le 29 mai 1959, lorsque les héroïques Moudjahidine des maquis de l'Ahmar Khadou, ont mis hors de combat plus de 150 soldats français, appuyés par des B26 qui déversaient des tapis de bombes au napalm. Le directeur des Moudjahidine a également affirmé que la commémoration du 53e anniversaire de la grande bataille de Djarallah, constitue en réalité un double anniversaire, puisqu'elle coïncide avec le 133 ème anniversaire de l'insurrection des tribus de l'Aurès occidental, conduites le 30 mai 1879, par Mohamed Seghir Ben Djarallah. Le même intervenant a ajouté que l'esprit de résistance insufflé par Ben Djarallah, surnommé "Boukhanoucht", a été jalousement conservé par cette région, jusqu'au 1er novembre 1954, puisqu'elle a abrité après la deuxième guerre mondiale, les "bandits d'honneur", ainsi que les clandestins de l'organisation spéciale (OS), recherchés depuis le 18 mars 1950 et qui furent parmi les instigateurs du déclenchement de la guerre de libération nationale. Selon Mohamed Merdaci, président de "l'Association auressienne de la culture et des sciences humaines", le village de Djarallah est chargé d'histoire, en particulier pour la période de la résistance à l'occupation française (1849, 1871, 1879, 1916), celle du mouvement national (1920-1954) et pendant la guerre d'indépendance (1954-1962). Il abrite en outre, un important filon archéologique non encore mis au jour, datant notamment de la période romaine. Djarallah est construit sur le site archéologique de Felfoul dont les fouilles n'ont jamais été entamées. Ce site dont on ignore encore la datation exacte, recèle des vestiges d'un artisanat florissant. La même source a également affirmé que le village fut, en effet, un important centre du travail de l'argent et d'armurerie. Sa situation géographique est stratégique pour l'accès dans les Aurès, puisqu'il constitue le point de passage entre les monts Ahmar Khadou et Chelia.