A l'ombre du mausolée de la zaouia de Sidi Aissa, dechra Djarallah, située au sud-est de T'Kout (Batna) s'est déroulée samedi une sympathique cérémonie de commémoration de la bataille militaire et historique de « Djaral- lah » (1959) ayant mis aux prises un groupe de moudjahidine des Aurès aux forces coloniales. Organisée à l'initiative de la section locale de la Fédération natio-nale des fils de chouhada (FNFC), présidée au niveau de la daira de T'kout par M. Sakri Mostefa, cette célébration s'est voulue comme un vibrant hommage rendu aux chouhada de cette bataille, l'une des plus importantes de la Révolution dans les Aurès et aussi une reconnaissance sincère aux quel-ques survivants, d'ailleurs présents parmi les invités. Après une minute de silence observée en signe de recueillement à la mémoire des disparus, un moudjahid a évoqué pour l'assistance comment s'est déroulée cette bataille suite à l'interception et l'élimination du maquiisard, feu Tibaghine, porteur d'un message du commandement de la Wilaya 1 (Aurès-Némemchas) destiné aux combattants de la Katiba locale. Les autorités coloniales décidèrent un encerclement massif des maquisards de Djarallah après l'exploitation des renseigne-ments contenus dans le message intercepté. Elles mobilisèrentdeux jours après pour cette colossale opération une force exceptionnelle : trois mille (3 000) soldats français. Mobilisés depuis les casernes de Khenchela, Batna, Biskra, Arris et Téleghma, seize (16) hélicoptères de combat, des blindés et des half tracks. Le commandement militaire Français opta d'abord pour l'encerclement préventif de la ville de T'Kout et des dechras environnantes et ce, pour tenter de bloquer l'information pour ensuite assaillir par surprise les maquisards à Djaral- lah (14 km de T'Kout). Mais ces derniers surent déjouer par anticipation cette tactique de surprise et même à se préparer à la riposte consistant à faire parler la poudre et les armes. Le responsable de la katiba, Medouri Belgacem, son adjoint Nedjahi Brahim et les maquisards Othmani Mohamed, Chatri Belgacem, Béchina Berrahail et Faiza Ali feront crépiter leurs fusils-mitrailleurs après s'être positionnés stratégiquement dans les endroits inaccessibles du ravin de Djarallah. Les blindés de l'armée française n'ayant pu accéder à travers les reliefs escarpés de Djarallah, ce furent les hélicoptères qui entrèrent en action en opérant des bombardements au napalm. Toute une journée passée dans le largage des bombes. Mais vers minuit, les maquisards reçurent des renforts : deux katibate de moudjahidine vinrent porter secours à leurs frères encerclés. Ils réussiront ainsi à briser l'étau militaire colonial dans cette âpre bataille. Le bilan fut catastro-phique pour l'armée française : elle perdit cent cinquante (150) soldats entre morts et blessés dans les combats. Du côté des moudjahidine, une dizaine de combattants tombèrent au Champ d'honneur. D'après des survivants de cette confrontation, la bataille de Djarallah restera comme l'une des pages les plus glorieuses de la lutte pour la libération nationale. Car ni à Djarallah ni ailleurs, l'armée française ne réussit à étouffer la Révolution, notamment dans cette contrée «hors-la loi» des Aurès. Cette localité de Djarallah était déjà entrée dans l'histoire bien avant cette bataille : en 1871, les habitants avaient lancé une insurrection contre l'administration coloniale, simultanément avec celle des Bouaoune, des Ouled Si el-Hadj Ben Ameur, des Ouled M'hamed et des Ouled Fatma, dans les plaines de Zana-Bélezma. Cette insurrection fut en fait le prolongement de la révolte d'El-Mokrani en Grande Kabylie. Il y a lieu de rappeler que c'est dans cette région de T'kout et de Taghit l'Aurésienne, plus précisément à proximité des gorges de Tighanimine, qu'un instituteur français et un caïd autochtone furent interceptés à bord du bus Biskra- Arris et abattus. Ce fut au cours la nuit du premier novembre 1954, l'une des toutes premières actions armées dans les Aurès pour bouter le colonialisme hors du pays. Quant à la bataille de Djarallah de 1959, elle a été menée par un groupe de moudjahidine composé d'éléments des « Zéllatou » et des « Ghwassir » connus sous l'appelation ethnique des Béni Bouslimane. Selon Hamid Tazdait, rencontré sur les lieux, les Amazigh de Zentan et du djebel occidental en Libye seraient des proches des Gwassir et des Béni Bouslimane des Aurès et également des Amazigh de Matmata en Tunisie et du Rif marocain. Dans les Aurès, l'histoire de l'Algérie a été écrite en lettres de sang et les nationalistes chaouis ont consenti volontairement d'énormes sacrifices en pertes humaines et matérielles. L'indépendance ayant été recouvrée mais tous les objectifs de la lutte n'ont pas encore été atteints. C'est dire toute la grandeur de la Révolution et toute l'ampleur de la décadence de l'indépendance nationale.