L'Etat marocain, en dépit de ses engagements nationaux et internationaux, manque de volonté politique effective pour respecter les droits et libertés, a estimé, mercredi à Rabat, une Organisation marocaine non gouvernementale des droits de l'homme. Khadija Ryadi, présidente de l'Association marocaine de défense des droits humains (AMDH), a souligné, dans une conférence de presse consacrée à la présentation du rapport 2011 sur les droits de l'homme au Maroc, que les violations relevées durant l'année écoulée reflètent le manque de volonté politique effective de l'Etat pour le respect des droits et des libertés. Elle a ainsi relevé que "le Maroc tergiverse toujours quant à la ratification de nombreuses chartes et conventions sur les droits humains avec en tête la Convention de Rome sur la Cour pénale internationale, les deux protocoles relatifs au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le protocole facultatif se rapportant au Pacte international aux droits économiques sociaux et culturels et la levée de toutes les réserves et des déclarations interprétatives des conventions ratifiées". L'AMDH a enregistré en 2011 de "nombreuses violations commises directement ou indirectement par l'Etat portant atteinte au droit à la vie du fait de la violence infligée aux citoyens dans les locaux de la police, dans les lieux publics, dans les centres hospitaliers à cause des négligences, dans les prisons à cause du surpeuplement, de l'absence des conditions d'hygiène et de la montée de la violence, suite à des événements de protestation, lors des manifestations et des sit-in des masses populaires, au cours de la garde à vue ou après arrestation par des patrouilles de police...". Selon le rapport, "ces violations commises par les différentes forces des autorités publiques, usant de différents moyens, sont devenues monnaie courante à l'encontre des citoyens et surtout du mouvement populaire qui a vu le jour avec le Mouvement du 20 février". S'agissant des libertés publiques, le rapport considère que celles-ci ont connu en 2011, "des régressions concrètes" avec une augmentation du rythme des violations quant à "l'exercice des individus et des groupes de leur droit d'expression, le droit de créer des associations, le droit de rassemblement". Il considère que "les violations sont plus fréquentes quant à la liberté de la presse, la liberté syndicale, la liberté de circulation". Concernant le droit de manifestation pacifique, l'ONG marocaine a rappelé que ce droit n'avait pas été respecté à travers "les interventions violentes des forces publiques et l'utilisation excessive de la force hors du domaine de la loi causant la mort, en l'occurrence celle de Karim Chaïb à Séfrou, le 20 février 2011, et de Kamal Ammari, le 29 mai 2011" et cela n'avait "pas été l'objet d'aucune enquête et aucun des auteurs de ces crimes n'a été sanctionné". Le rapport a, par ailleurs, rappelé qu'il a été aussi fait "usage de bombes lacrymogènes, de canons à eau, de balles en caoutchouc, et de gourdins, de matraques électriques et de barres de fer contre des manifestants pacifiques et pour la dispersion par la force de sit-in pacifiques organisés dans de nombreuses villes par les chômeurs ou les habitants revendiquant leurs droits économiques et sociaux)". D'autre part, L'AMDH a également constaté une violation de la liberté de presse et un contrôle de l'Etat sur les médias publics par la restriction du "droit d'accès à l'information, à faire subir des procès inéquitables à des journalistes, à prononcer des jugements injustes à leur encontre comme c'est le cas de l'arrestation et du procès du journaliste Rachid Nini à Casablanca, de la poursuite du journaliste Mustapha Alaoui dans le cadre d'un procès qui ne réunit pas les conditions d'un procès équitable". Sur le plan judiciaire, le rapport a relevé que "les appareils exécutifs de l'Etat continuent toujours à se servir du système judiciaire pour lui faire prononcer des jugements injustes dans des procès inéquitables en l'occurrence ceux lors desquels ont été poursuivies les victimes de la répression de la liberté d'opinion et d'expression, de la liberté de la presse, des syndicalistes, des activistes politiques, des participants aux protestations sociales, des défenseurs des droits humains". Concernant les droits économiques, sociaux et culturels, le rapport a relevé qu'à l'instar des années précédentes, "les indicateurs importants n'ont connu aucune amélioration sensible". Ainsi, selon le rapport, le système de santé souffre de "déséquilibres structurels majeurs dans la gestion, les finances et la gouvernance estimant que "l'Etat se dérobe de son rôle principal qui lui impose d'offrir aux citoyens les services sanitaires". Quant au droit à l'éducation, le rapport de l'AMDH souligne que "le problème de la déperdition scolaire pour des raisons relatives à la pauvreté, à la qualité de l'enseignement et à la discrimination entre les sexes enregistre une proportion élevée et ce qui rend cette situation préoccupante". Pour ce qui est de l'éradication de l'analphabétisme, "les efforts déployés par l'Etat restent insuffisants", a relevé le rapport de l'AMDH, ajoutant que "si la direction de la lutte contre l'analphabétisme estime que le taux d'analphabétisme a régressé à environ 30%, les statistiques de l'UNESCO estiment que le taux des Marocains adultes, qui ne savent ni lire ni écrire, est de 44% et que parmi les âgés entre 15 et 24 ans, ce taux est de l'ordre de 21% dont la majorité sont des femmes". Quant aux droits de la femme dans le royaume l'ONG marocaine a fait remarquer que "selon le rapport du Forum économique mondial de 2010, le Maroc est passé du 124ème rang en 2009 au 127eme parmi 134 pays". Ainsi, le rapport conclut que "le Maroc est donc considéré parmi les pays les plus inégalitaires compte tenu de l'approche du genre selon un ensemble d'indicateurs tels les difficultés que rencontrent les femmes pour accéder au marché du travail (69% parmi les femmes pour 44% des hommes), les femmes continuent à subir différentes formes de violence pendant que l'Etat hésite à promulguer la loi relative à la protection des femmes contre la violence et s'attarde à imposer le respect des autres lois en dépit de leurs faiblesses (avec en tête le Code de la famille)". En ce qui concerne les enfants, le rapport a estimé que les droits des enfants sont "toujours objets de nombreuses violations avec en tête l'exploitation économique et sexuelle qui prend des dimensions graves". L'AMDH relève un "taux élevé des décès infantiles au cours des accouchements, plus de 60 mille filles travaillent dans des foyers dans des conditions similaires à celles des esclaves et certaines d'entre elles sont mortes du fait de la violence".