D'importantes avancées ont été enregistrées ces cinquante ans d'indépendance en Algérie dans le secteur de la santé où l'Etat n'a ménagé aucun effort pour assurer aux citoyens l'accès aux soins dans toutes les spécialités, estiment des spécialistes. L'Algérie a assuré aux citoyens l'accès aux soins dans toutes les spécialités, à l'exception de celles nécessitant des techniques de pointe et au coût élevé, a indiqué le professeur Kheireddine Merad Boudia, chef de service de cardiologie au CHU Mustapha-Pacha. Le spécialiste, qui fait partie des premières promotions de docteurs en médecine sorties durant les premières années d'indépendance, a souligné que d'importants efforts avaient été déployés, au cours des cinquante dernières années, afin d'assurer aux citoyens l'accès aux soins à la faveur de la réalisation d'un grand nombre d'infrastructures sanitaires et de la formation des médecins. Depuis l'indépendance, les facultés algériennes ont formé un nombre important de médecins, de dentistes et de pharmaciens, s'est-il félicité, regrettant toutefois qu'une grande partie de ces compétences algériennes (7000 médecins toutes spécialités confondues) exerce à l'étranger. Concernant la gratuité des soins dans les structures publiques instaurée dans les années 70, le Pr Merad Boudia a estimé que cette mesure avait à l'époque rendu un grand service à la société, relevant toutefois son inadaptation aux mutations que connaît le pays aujourd'hui dans son organisation et sa gestion. Ce mode de gestion doit être revu, a-t-il dit. Il a également salué les efforts déployés par l'Etat pour éradiquer les maladies transmissibles qui ont fait beaucoup de morts aux premières années de l'indépendance et réduire la mortalité infantile à la faveur des mesures de protection de la santé maternelle et infantile et du programme généralisé de vaccination. . De 47 ans aux premières années de l'indépendance, l'espérance de vie est passée à 76 ans ces dernières années grâce à tous ces efforts. Quant aux lacunes du secteur de la santé, le Pr Merad Boudia a relevé un déficit en matière d'organisation qui s'est répercuté sur les prestations. Le spécialiste a en outre porté un œil critique sur les méthodes de gestion des grands hôpitaux qui sont, selon lui, archaïques et ne répondent pas aux normes internationales de gestion. Pour le Pr Merad Boudia, il est par exemple aberrant que l'utilisation de l'outil informatique ne soit pas généralisée. Il a préconisé de créer des pôles d'excellence dans plusieurs spécialités qui seraient supervisés par un coordinateur qui aurait pour mission de dispenser une formation de haut niveau parallèlement à la recherche scientifique. Le spécialiste a déploré l'absence de stratégie en matière de formation médicale, appelant à renforcer la coopération étrangère dans ce domaine et à organiser des stages de longue durée. Si les années 70 et 80 ont été marquées par l'essor de la formation médicale en Algérie, celles qui ont suivi ont connu une certaine stagnation à l'aune des progrès enregistrées dans le monde dans ce domaine, a estimé le Pr Merad Boudia. En effet, les pouvoirs publics ne s'étaient pas préparés à la transition épidémiologique des maladies transmissibles aux maladies chroniques. S'agissant de la participation du secteur privé à la prise en charge de la santé des citoyens, le professeur Merad Boudia a souligné la nécessité pour ce secteur d'être complémentaire au secteur public dans la prise en charge de certaines maladies. Certaines cliniques du secteur privé "ne respectent pas" les normes de tarification, a-t-il déploré. Pour ce spécialiste, les prix appliqués dans le secteur privé doivent se rapprocher de ceux appliqués dans le secteur public. Il a également insisté sur la nécessité pour les cliniques privées de respecter la déontologie professionnelle médicale. Pour le Pr Merad Boudia, le secteur privé est loin de remplir la mission pour laquelle il a été créé. Le chef de service de cardiologie au CHU Mustapha-Pacha a enfin rappelé que la réforme du secteur de la santé a rendu service aux citoyens en dépit de certaines lacunes en termes d'organisation, de gestion financière et d'humanisation. Le Pr Merad Boudia a participé en tant que membre de la Fédération algérienne des étudiants algériens en France à la mobilisation de l'opinion publique à la cause algérienne. Il a également formé des générations d'étudiants en médecine au niveau de la faculté d'Alger. Santé publique : des résultats palpables ALGER - Les différents programmes mis en œuvre en matière de santé publique depuis l'indépendance de l'Algérie, ont contribué à améliorer sensiblement la prise en charge des malades et à assurer l'élargissement de la couverture sanitaire à travers tout le territoire national. Ces programmes ont notamment permis l'éradication de la plupart des maladies transmissibles qui sévissaient à l'état endémique durant les années 60 et l'amélioration de l'espérance de vie qui est passé de 47 ans à 76,5 ans en moyenne. Ces résultats découlent des efforts consentis en matière de politique sanitaire dont la démocratisation de l'enseignement supérieur qui a favorisé la formation de plusieurs promotions de médecins, la mise en œuvre de la gratuité des soins et le lancement de vastes campagnes de vaccination (PEV) des enfants, lesquelles avec un taux de 90%, avaient dépassé les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Le taux de mortalité infantile qui se situé à hauteur de 280 cas sur 1000 naissances a été en outre rabaissé à 23 cas plaçant ainsi l'Algérie parmi les premiers pays à avoir atteint un des objectifs du Millénaire, selon les chiffres de l'Office national des statistiques (ONS). L'accroissement du taux d'accouchement en milieu hospitalier qui a atteint 98% et l'ouverture d'une centaine de services de protection maternelle et infantile (PMI) au niveau de centres de santé de proximité, y ont grandement contribué au même titre que le suivi médical des grossesses et la mise en application du planning familial qui a fait chuter le nombre de naissance de 7 à 2,5. Le renforcement des infrastructures sanitaires a donné lieu en outre à une régression remarquable des maladies transmissibles et à l'éradication totale de certaines d'entre elles. La formation médicale et paramédicale a pour sa part permis un saut qualitatif des soins grâce à l'élargissement et au renforcement des différents paliers de formation dans ce domaine. Le nombre de praticiens est passé ainsi de 5 000 durant les dix premières années de l'indépendance à 75 000 dans les années 90 pour s'établir aux alentours de 150 000 en 2011. La mise à exécution soutenue des programmes de vaccination contre la tuberculose (BCG) (99%), la vaccination antipoliomyélite (91%), contre la rougeole (88%) et contre l'hépatite (90%) et l'éradication de maladies telle la malaria, grâce à la surveillance minutieuse tout au long des frontières, y ont par ailleurs grandement contribué selon le Pr Jean-Paul Grango, spécialiste en pédiatrie. Le même constat est également établi en matière de lutte contre la tuberculose qui a enregistré un net recul (20 cas pour 100 000 habitants) ainsi qu'à travers la maîtrise d'autres maladies comme la polio, la rougeole et la diphtérie. Malgré les efforts déployés, la prise en charge des soins spécialisés a connu une demande croissante impliquant le recours au transfert de malades vers des hôpitaux à l'étranger, à travers des accords conclus entre la caisse nationale des assurances et ces établissements hospitaliers. Le secteur médical dont le budget a été par ailleurs multiplié par 14 depuis l'indépendance pour atteindre 233 milliards de DA, a enregistré au fil des vingt dernières années, l'ouverture de plusieurs cliniques privées, la levée du monopole de l'Etat sur l'importation et la distribution des médicaments et l'encouragement à la création d'unités de fabrication. Le renforcement de centres de soins de proximité en mesure de prendre en charge les soins de base a été illustré par l'ouverture de 7033 centres, et plus de 1500 polycliniques soutenus par de nouveaux centres hospitalo-universitaires (14) et spécialisés (68) et plus de 300 unités sanitaires relevant du secteur privé. Selon le Pr Ismail Mesbah, spécialiste en épidémiologie, l'Algérie a renforcé ces dernières années ses capacités pour la prise en charge des malades avec 71 000 lits soit un lit pour 500 habitants. La santé scolaire bénéficie pour sa part, d'un intérêt particulier, influant positivement sur le suivi de l'état de santé des élèves pour tous les cycles de scolarité. Malgré les efforts déployés et les résultats positifs qu'a enregistré le secteur, les experts sont unanimes à dire qu'il existe un dysfonctionnement en matière d'organisation et de gestion, d'autant, ont-ils précisé, que lors des prochaines années de nouvelles maladies liées principalement à l'environnement et à l'augmentation de l'espérance de vie des personnes âgées nécessiteront une prise en charge axée sur le sanitaire, le psychologique et le social.