L'image d'une femme, remontant un sentier, une cruche remplie d'eau sur la tête, suscite aujourd'hui, cinquante ans après l'indépendance nationale, une sensation d'exotisme, mais la réalité est autre. La corvée d'eau était une tâche pénible et quotidienne pour les villageoises de la Kabylie et pour toutes les régions du pays. Durant l'occupation française, la majorité des villages de la wilaya de Tizi-Ouzou n'étaient pas raccordés au réseau d'alimentation en eau potable (AEP). Ramener l'eau dans les maisons pour les besoins quotidiens des ménages, était une tâche dévolue aux femmes qui, dès l'aube, chargée de cruches et de tout autres récipients, de grande contenance, se rendent vers la source du village. "Il fallait parcourir une longue distance pour arriver à la source, attendre son tour, et puiser l'eau pour ensuite se presser de rentrer à la maison afin de préparer le petit déjeuner, le déjeuner, et faire le ménage", témoigne Tassadit, une septuagénaire du Douar de Sidi Ali Bounab, dans la commune de Tadmait, où était établi durant l'occupation française le camp du maréchal Bugeaud. Cette dame se rappelle que cette corvée est toujours éprouvante quelle que soit la saison. "En hiver, l'eau de la fontaine est très froide et j'avais les mains engourdies par les engelures. En été, en revenant de la fontaine, avec les autres femmes, le soleil pointe son dard sur nous, ce qui nous oblige à presser le pas sur des chemins sinueux, où les chutes sont fréquentes", se remémore-t-elle. "Aujourd'hui, l'eau est arrivée jusque dans nos maison, il suffit d'ouvrir le robinet pour se servir. La corvée d'eau est désormais reléguée aux oubliettes", ajoute Tassadit. A l'indépendance de l'Algérie, l'une des priorités de l'Etat, était d'améliorer le taux de raccordement des foyers au réseau d'eau potable. Dans la wilaya de Tizi-Ouzou, connue pour son relief montagneux contraignant, beaucoup d'efforts ont été consentis pour raccorder les 1 500 villages, répartis sur les 67 communes de cette wilaya au réseau d'AEP. L'Oued Sébaou avait été la première source d'approvisionnement en eau de la wilaya. 182 forages y ont été réalisés afin d'alimenter les différentes localités. La direction de l'hydraulique avait aussi procédé au captage de sources qui jaillissent un peu partout des entrailles du massif montagneux du Djurdjura, afin d'alimenter les villages. Dans plusieurs hameaux, des villageois ont apporté leur contribution à ce projet de raccordement en eau potable, en fournissant la main-d'œuvre nécessaire pour les travaux de raccordement des foyers à la source du village, à l'instar du village Takoucht dans la commune de Bouzguène, alimenté par la source "Aghendjour". Au total 26 sources, sur les 121 que compte la wilaya, ont été captées et fournissent un volume d'eau global de 4, 36 millions de m3, apprend-on auprès de l'Algérienne des eaux (ADE). Afin de sécuriser l'alimentation en eau potable de la wilaya et améliorer la dotation journalière en eau des villages, le ministère des Ressources en eau, avait inscrit au profit de la wilaya de Tizi-Ouzou, le projet du barrage de Taksebt, une importante infrastructure hydrique d'une capacité de stockage de 180 millions de mètres cube d'eau et destinée à renforcer l'alimentation en eau potable des wilayas de Tizi-Ouzou, Boumerdes et Alger. Le barrage de Koudiet Acerdoune dans la wilaya de Bouira, alimente, quant à lui, les communes du flanc sud de la wilaya de Tizi-Ouzou. Les réseaux d'AEP se sont tissés au fil des ans pour former une gigantesque toile d'araignée souterraine, sous les 1500 villages de la wilaya, constituée par un réseau d'adduction d'une longueur totale de 2 038 km et par un réseau de distribution de 2745 km, selon les chiffres de la direction des ressources en eau. Le taux de raccordement de la wilaya au réseau d'AEP est de 98,70 %. La moyenne de la dotation journalière est évaluée à plus de 150 litres /jour /habitant avec plus de 83 % de la population qui reçoit l'eau quotidiennement. 4% seulement de la population sont alimentés un jour sur trois. Si quelques villages souffrent encore des ruptures d'alimentation en eau potable, ce problème, indique-t-on à la direction des ressources en eau, n'est pas lié à l'indisponibilité de la ressource, mais à un problème de gestion et aux contraintes liées à la morphologie du terrain dans la wilaya, notamment lorsqu'il s'agit de desservir des villages situés sur des hauteurs allant jusqu'à 1500 m d'altitude. Avec la mise en service du raccordement du flanc nord de la wilaya de Tizi-Ouzou au barrage de Taksebt pour alimenter entre autre, les communes de Tigzirt, Makouda, Boudjima, Ouaguenoune, avant la fin de l'année en cours, le dernier point noir en matière d'alimentation en eau potable sera pris en charge, indique-ton à la direction des Ressources en eau.