Tebboune ordonne aux membres du Gouvernement de préparer des plans d'action sectoriels    Lettre ouverte A Monsieur le président de la République    L'Algérie révise partiellement sa politique des subventions des prix du gaz naturel pour les industriels    Organisation d'une journée d'étude sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Des artistes illustrent les horreurs de Ghaza    Erdogan salue une décision «courageuse»    La Bolivie exprime son soutien au mandat d'arrêt contre Netanyahu et Gallant    Les joueurs mouillent-ils leurs maillots ?    Ligue 1 Mobilis : la LFP fixe les dates de la 11e journée    Belaili sauve l'EST de la défaite contre Ben Guerdane    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    Quarante-cinq lotissements sociaux créés à travers plusieurs commune    Opération de dépistage du diabète    Deux artistes algériens lauréats    Commémoration du 67e anniversaire de la bataille de Hassi-Ghambou dans le Grand erg occidental    Lettre ouverte A Son Excellence, Monsieur le président de la République    APN : le président de la commission des affaires étrangères s'entretient avec le chef de la délégation du Parlement iranien    Sétif: signature de 7 conventions entre NESDA et la direction de la formation professionnelle    Liban: 29 personnes tombent en martyres dans une frappe de l'armée sioniste sur Beyrouth (nouveau bilan)    Canoë - Kayak et Para-Canoë/Championnats arabes 2024: l'Algérie sacrée championne, devant l'Egypte et la Tunisie    Athlétisme / 10 km de la Saint-Nicolas : Victoire de l'Algérien Saïd Ameri    Le Général d'Armée Saïd Chanegriha en visite officielle à l'Etat du Koweït    Ouverture de la 70e session de l'AP-OTAN à Montréal avec la participation du Conseil de la nation    Rencontre entre les ministres de l'Education nationale et des Sports en prévision du Championnat national scolaire des sports collectifs    Examens de fin d'année session 2024 : début des inscriptions mardi    Le président de la République préside une réunion du Conseil des ministres    Travaux publics: coup d'envoi du 20e SITP avec la participation de 232 exposants    Borrell appelle les Etats membres de l'UE à appliquer la décision de la CPI à l'encontre de responsables sionistes    Mandats d'arrêt contre deux responsables sionistes: la Bolivie appelle à l'application de la décision de la CPI    Journée d'étude à Alger sur l'entrepreneuriat en milieu universitaire    Foot/Jeux Africains militaires-2024: l'équipe nationale remporte la médaille d'or en battant le Cameroun 1-0    Tunisie: ouverture des Journées Théâtrales de Carthage    Tlemcen: deux artistes d'Algérie et du Pakistan lauréats du concours international de la miniature et de l'enluminure    Nâama: colloque sur "Le rôle des institutions spécialisées dans la promotion de la langue arabe"    Le président de la République préside la cérémonie de prestation de serment de la nouvelle Directrice exécutive du Secrétariat continental du MAEP    L'ANP est intransigeante !    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Une pièce de Kateb Yacine à l'épreuve de la solidarité internationale
Publié dans Algérie Presse Service le 27 - 11 - 2012

Il y a exactement 54 ans, le Théâtre Molière de Bruxelles (Belgique) programmait pour deux représentations (les 25 et 26 novembre 1958), au terme d'un bras de fer mettant à l'épreuve puis à l'honneur la solidarité internationale et internationaliste, la pièce de Kateb Yacine "Le Cadavre encerclé", mise en scène par une figure éminente du théâtre français et militant de la culture universelle, Jean-Marie Serreau.
Cette œuvre avait été de facto, pendant plusieurs années, frappée d'interdit de représentation sur les scènes hexagonales sous la pression permanente et menaçante des ganaches de l'" Algérie française".
Les péripéties qui ont jalonné la prise en charge scénique de cette première création dramatique katébienne (publiée pour la première fois, en deux parties chevauchant les années 1954-55, par la revue française "Esprit", avant d'être intégrée en 1959 à la tétralogie "Le Cercle des représailles", éditée au Seuil) méritent d'être rapportées, avec d'autant plus de profit qu'on aura pour accompagnateur un témoin et acteur privilégié de cette aventure en la personne du comédien et metteur belge Paul Anrieu, 82 printemps cette année, invité d'honneur par ailleurs du dernier Festival International de Théâtre de Béjaîa (29 octobre-5 novembre 2012). Mais, tout d'abord, glissons un œil sur ce "Cadavre encerclé" pour mieux comprendre les tentatives...d'encerclement et d'étranglement de cette œuvre au moment de sa diffusion. S'assimilant à un prologue ou à un prolongement du roman-phare katébien "Nedjma", dont elle partage les thèmes et les personnages principaux, la pièce évoque une double tragédie : collective, avec des héros et leurs comparses épousant la marche de l'Histoire et se positionnant pour le sacrifice suprême en relation avec la libération de leur pays, et individuelle, portée par la figure centrale, Lakhdar, qui mène un double combat contre l'oppresseur colonial et les forces rétrogrades en œuvre dans sa propre société, avant de périr.
"La tragédie de Lakhdar est celle de l'homme algérien dont les blessures sont immémoriales et confondues dans le temps, et qui n'en finit pas de se chercher à travers un monde en révolution", soulignait le metteur en scène (Serreau) dont le propos est relayé et soutenu par l'écrivain et philosophe martiniquais Edouard Glissant qui, en préface, voyait dans "Le Cadavre encerclé" un "chant profond" et tragique qui raconte "un destin personnel confronté à destin collectif", celui du peuple algérien dont la trajectoire, ajoutait-il, éclaire "le destin commun de tous les hommes".
C'est donc par la grâce de ce texte dramatique "révolutionnaire" au double plan formel et fondamental que les itinéraires de Kateb Yacine et Jean-Marie Serreau vont se croiser pour sceller des relations humaines et culturelles d'une rare densité et complicité.
Ami de Berthold Brecht, qu'il met au contact avec Yacine, découvreur de talents dramaturgiques d'avant-garde (Genet, Césaire, Ionesco...), directeur de théâtre outre sa notoriété de comédien et de metteur en scène, Serreau rapporte ainsi, en 1967, sa première rencontre avec le futur auteur de "Nedjma" et "Le Polygone étoilé" : "j'ai lu un jour en 1954 la première partie du "Cadavre encerclé" publiée dans la revue "Esprit".
Et j'ai été bouleversé par ce texte. Mon horizon à ce moment là était limité à Brecht, Beckett, Ionesco, et d'un seul coup Kateb Yacine m'a ouvert les portes d'un autre monde...d'autres visions de l'Histoire... (qui ) coïncident avec la décolonisation.
Au lendemain de cette lecture, Serreau nanti d'une adresse débarque très tôt et sans crier gare au domicile de Kateb, "une mansarde" située au cœur de Paris, catapultant une belle frayeur à l'écrivain algérien qui avait cru à une descente policière en ces temps de "ratonnades" quotidiennes et de perquisitions devenues banales chez les Algériens.
Mais écoutons l'intéressé lui-même relater cette prise de contact avec le metteur en scène, lors d'un colloque dédié aux "Territoires de la Mémoire" (organisé au mois de décembre 1988 dans la capitale belge) : "la première fois que je l'ai vu, c'était la guerre. On craignait des arrestations, c'était l'heure du laitier. Quand je l'ai vu avec ses lunettes, ses cheveux en brosse, j'ai presque eu peur. Et puis il m'a dit qu'il voulait monter "Le Cadavre". J'étais très heureux, bien sûr. Et je l'ai vu vraiment déployer tous ses efforts, je l'ai vu faire le tour des théâtres parisiens, pendant quatre ans. Et pendant quatre ans, tous les directeurs de théâtre se sont dérobés. Il y a eu des coups de téléphone menaçants.
Alors que j'avais quitté la France, continue Kateb Yacine, un jour Serreau me fait savoir qu'on allait monter "Le Cadavre encerclé" à Bruxelles. J'étais content mais je n'osais trop y croire, puisqu'on avait essuyé tellement d'échecs. En arrivant dans la capitale belge, je n'étais pas sûr que ça puisse se passer. Et finalement, ça s'est passé grâce à mes amis belges : Paul Anrieu, les acteurs qui y ont participé, le public. C'était une représentation semi-clandestine".
"Oui, c'était une représentation semi-clandestine mais sur deux soirées", confirme à l'APS Paul Anrieu, le maitre d'œuvre de l'opération bruxelloise qui a permis à "Le Cadavre encerclé", déclarée pièce non grata sur les scènes françaises par le poids et les peurs générées par les lobbys fascistes, d'être étrennée à deux reprises dans un théâtre belge, proposée à guichets fermés devant plus d'un millier de spectateurs sensibles ou sympathisants à la cause de l'Algérie souffrante et combattante.
"Pour des raisons évidente de discrétion après le battage mené autour de l'œuvre en France, il n'y a pas eu de journalistes ni d'officiels invités. Par la force des choses il n'y avait pas d'échos à attendre, ce qui nous faisait dire hélas et tant mieux en même temps", remarque en souriant l'artiste belge dont l'itinéraire professionnel, étalé sur plus d'un demi-siècle, libère une plantureuse moisson de rôles et d'essais scéniques allant des œuvres classiques aux comédies de boulevard en passant par le théâtre engagé ( Brecht principalement) et les expériences dramatiques contemporaines. Proche humainement, idéologiquement et artistiquement de Jean-Marie Serreau, Paul Anrieu propose à ce dernier et à sa "Troupe des Spectacles Babylone" (où l'on rencontre des comédiens en émergence de notoriété tels Marie-Hélène Dasté, Antoine Vitez, Paul Savatier et Gilbert Amy), de se déconnecter momentanément de l'environnement parisien plombé par l'avancée graduelle et criminelle de l'activisme OAS et pro OAS, pour venir monter et montrer la pièce katébienne dans la capitale belge.
Une fois l'idée acceptée, la machine se met rapidement à carburer actionnée par les porteurs d'eau de la longue chaine de l'amitié et la solidarité, les arpenteurs de la pensée libre et libertaire et les sympathisants d'un pays en lutte pour son indépendance. Des lettres sont rédigées et diffusées, sur la base d'une liste de connaissances ou à partir de fichiers d'abonnés-comme ceux de l'hebdomadaire de gauche "France Observateur" (ancêtre du "Nouvel Observateur") et de la revue "Esprit" - des patronages sont sollicités (notamment ceux du philosophe Jean-Paul Sartre et du romancier François Mauriac qui, d'après Anrieu, "ont pointé aux abonnés absents pour des raisons qui leur sont propres"), des souscriptions sont lancées à partir desquelles l'argent ramassé permet de couvrir les frais de location et d'organisation pour deux représentations théâtrales.
Le Théâtre Molière affichait complet pour les deux soirées et je n'oublierai jamais ces moments merveilleux d'amitié et de fraternité forgés à l'enseigne du théâtre, autour d'une création fécondée par la rencontre de deux immenses bonhommes, Kateb Yacine et Jean-Marie Serreau, souligne en substance, avec un grain de nostalgie, Paul Anrieu.
Et ce dernier de conclure l'entretien par cette anecdote qui n'a rien d'une histoire belge : "peu de temps après ces faits, j'ai eu à rencontrer, à l'Institut de sociologie de Bruxelles, l'attaché culturel français auprès de son ambassade en Belgique. "J'ai entendu parler, m'a-t-il dit, de l'œuvre de Kateb Yacine jouée à Bruxelles, et heureusement pour les organisateurs de cet évènement, nous n'étions pas au courant.
Si on avait su, on aurait fait immédiatement interdire la pièce". Je lui ai répliqué aussi sec : "monsieur, vous êtes ici en Belgique, pas en France, et je ne vois pas ni pourquoi ni comment vous interdiriez un spectacle présenté à Bruxelles ou ailleurs dans le pays".
Pan sur le bec, dit un fameux canard pas boiteux de ses pattes et qui n'aime pas assurément ceux qui marchent sur les "cadavres", à commencer par ceux de l'"ennemi" amoncelés dans les Casbahs et les grottes de "Dahras" tout au long de l'Histoire coloniale.
BENDIMERED KAMEL


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.