La France se doit de reconnaitre ses "méfaits coloniaux" commis 132 ans durant en Algérie, période au cours de laquelle un peuple a été "réduit à l'esclavage", a affirmé un des chefs historiques de la guerre de libération nationale, Mohamed Méchati. "C'est à la France d'abord de se prononcer, d'avoir ce courage de reconnaitre le fait colonial imposé à tout un peuple, durant toute cette période", a-t-il indiqué à l'APS, en marge d'une rencontre-débat "France-Algérie : le temps du dialogue", organisée samedi à Paris. Pour celui qui fut l'un des "22 historiques" ayant décidé, l'été 1954, de déclencher la guerre de libération nationale, le " mal, c'est plus d'un siècle de colonisation et d'esclavage". "Il faut que la France fasse un acte de grand courage", a-t-il dit, se demandant "pourquoi la France a fait de tels actes de reconnaissance en reconnaissant la Shoah et en pacifiant avec les Allemands. Pourquoi elle ne fait pas de même avec nous". Selon l'ancien chef de zone de l'Organisation spéciale (OS), il "appartient à la France de faire un vrai geste courageux". "Ses responsables doivent parler à leur peuple, lui dire, d'abord, la vérité sur le passé colonial, et de ce que la France avait fait chez nous", a-t-il ajouté, en marge de la conférence initiée par l'Association de Promotion des Cultures et du Voyage (APCV). L'Algérie a été colonisée par la France en 1830 et n'a dû recouvrer son indépendance qu'en juillet 1962 après moult soulèvements populaires et une lutte armée de plus de sept ans (1954-1962). Pour ce faire, elle a versé un lourd tribut : 1,5 million de martyrs et des milliers d'orphelins et de veuves. A ce jour, ces crimes n'ont jamais été reconnus par la France officielle. Seuls les massacres du 17 octobre 1961 à Paris ont été reconnus "avec lucidité" par le président François Hollande, le 17 octobre dernier. Tout en disant "n'attendre sincèrement rien de la France en tant que patriote", M. Méchati (91 ans) a regretté que la question mémorielle soit "instrumentalisée en France tant par la droite que par la gauche au pouvoir". "Nous sommes habitués à ça, surtout quand on sait que, dans l'histoire, même les communistes français ont voté les pouvoirs spéciaux", a-t-il déploré. Mohamed Méchati est un des cinq chefs historiques du mouvement national encore en vie. Dans son ouvrage "Militant de l'indépendance algérienne û Mémoires 1921-2000", paru aux éditions Tribord (Bruxelles) en octobre dernier, il évoque la fameuse réunion des 22 qui prit la décision historique de déclencher la lutte armée, tout en retraçant son itinéraire politique et militant.