L'Etat français "doit cesser de minimiser les effets dévastateurs sur les populations et sur l'environnement de ses essais nucléaires dans la région de Reggane, dans le Sahara algérien, dès février 1960, et reconnaître l'étendue de ces crimes aux conséquences effroyables", ont affirmé mercredi les participants à un colloque organisé à Sétif. Cette rencontre, initiée par la Fondation du 8 mai 1945, et qui a réuni des chercheurs en sciences nucléaires, des juristes, des médecins épidémiologistes, des historiens et des membres des associations des victimes des essais nucléaires français dans le Sud, n'est pas organisée avec un "esprit revanchard", a souligné, d'emblée, le président de la Fondation, Abdelhamid Selakdji. Il s'agit, a-t-il souligné, de "rétablir la vérité et d'appeler la France à reconnaître sa responsabilité dans ces crimes qui continuent d'avoir des conséquences d'une extrême gravité sur l'environnement et la santé des populations". Pour le secrétaire de wilaya de Sétif de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM), Azzouz Beroual, la France coloniale a exploité les richesses de l'Algérie pendant 132 ans. "L'émigration algérienne a largement participé à la construction de ce pays, des centaines de milliers d'Algériens ont pris part à ses guerres et ont contribué à sa libération du nazisme, et en contrepartie, la France a commis des massacres répétés jusqu'à l'indépendance et s'est dotée de la puissance nucléaire aux dépens des Algériens", a rappelé M. Beroual, soulignant lui aussi les "effets dévastateurs de ces essais sur les habitants et sur l'environnement". Le Dr Amar Mansouri, du Centre national de recherche nucléaire (Alger), a présenté un exposé documenté sur les essais nucléaires effectués à Reggane, assorti de documents photographiques et de nombreux témoignages, notamment des hauts responsables français sur les conditions dans lesquels étaient effectués les tirs et leurs conséquences, en particulier les accidents, les nuages radioactifs, les sables vitrifiés ou encore l'enfouissement de matériels dans des galeries dont les cartes n'ont pas été remises aux autorités algériennes. Le même expert a mis l'accent sur la mauvaise volonté des autorités françaises, lorsqu'il s'était agi de livrer les archives et les données sur les essais nucléaires, et leur refus d'indemniser toutes les victimes, se limitant à ne reconnaître cette qualité qu'à des militaires français. Le juriste Azzedine Zalani est intervenu, quant à lui, sur "les victimes algériennes des explosions nucléaires", soulignant que la loi Morin et ses décrets d'application est "entachée d'erreurs la rendant inopérante" quant à la reconnaissance des droits des Algériens ayant subi ou subissant encore les effets des essais nucléaires. Les recommandations du colloque ont été axées sur la décontamination totale des sites des essais nucléaires de Reggane, la France devant par conséquent fournir toutes les archives sur ces expériences. Il a été également recommandé l'élaboration de dossiers scientifiques, assortis de témoignages et de toutes les données accessibles au sujet de ce "crime imprescriptible".