Le Conseil national du Parti de l'Istiqlal (PI, conservateur) a annoncé samedi son retrait du gouvernement de coalition marocain dirigé par le Parti justice et développement (PJD, islamiste) depuis janvier 2012. L'Istiqlal détenait six ministères au sein du gouvernement composé de 31 départements ministériels dont ceux de l'Economie et des Finances, de l'Education et celui délégué auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération. Le PI a expliqué dans un communiqué à l'issue d'une session ordinaire de son conseil national qu'avant de prendre cette décision, il a "épuisé toutes les possibilités de mise en garde et de conseil et s'est acquitté de tous ses engagements envers ses alliés et envers la conjoncture délicate que traverse le Maroc (...)". Formation d'un nouveau gouvernement ou élections anticipées Dans une réaction à cette annonce, Abdellah Bouanou président du groupe du PJD à la Chambre des représentants (chambre basse du parlement) et membre du secrétariat général du parti islamiste a jugé que la décision l'Istiqlal était "une affaire interne" et "une décision souveraine", concédant, toutefois, qu'elle aura certes des répercussions sur le gouvernement et sur la majorité gouvernementale actuelle. Il a souligné que toutes les possibilités étaient ouvertes allant de la formation d'une nouvelle majorité ou à la tenue d'élections législatives anticipées. Il a ajouté que la mise en oeuvre de cette décision ayant été confiée au comité exécutif du PI et, de ce fait, son secrétaire général, Hamid Chabat, "ne manquera pas d'exercer des pressions et faire du chantage pour obtenir un remaniement ministériel, qui demeure aussi une piste probable". L'Istiqlal est dirigé, depuis septembre 2012, par Hamid Chabat qui a remplacé à la tête de cette formation politique l'ancien chef du gouvernement Abbas El Fassi. Chabat est également secrétaire général de l'Union générale des travailleurs au Maroc (UGTM), maire de Fès et député. Depuis son arrivée à la tête de ce parti, il a formulé, à plusieurs occasions, des griefs contre l'exécutif notamment en ce qui concerne le redressement de l'économie au moment où le Maroc traverse une grave crise dans divers secteurs, ont estimé des observateurs. En janvier dernier, il avait adressé un mémorandum au chef du gouvernement dans lequel il demandé un remaniement ministériel pour « parer aux dysfonctionnements » qu'il a résumés dans la dégradation du pouvoir d'achat, la montée des mouvements de protestation et la prise de certaines décisions impopulaires pour remédier au déficit. Il avait, par ailleurs, insisté sur l'importance de renforcer la représentativité féminine au sein du gouvernement pour la porter à au moins 20 % alors que l'exécutif ne comporte qu'une seule femme issue du PJD. Grave crise économique et dégradation de la note souveraine Le Maroc est confronté à une crise économique marqué par une aggravation du déficit budgétaire (17,5 milliards de dirhams à fin mars 2013, contre 6,6 milliards de dirhams à la même période en 2012) entrainant l'arrêt de l'exécution de 15 MMDH d'investissement au titre de 2013, une hausse du taux de chômage passant à 9,4 % à fin 2012 contre 8,9 % en 2011 soit 10.000 chômeurs en plus et une augmentation coût de la vie de 2,2 % en mars 2013 par rapport au même mois de l'année 2012. En février dernier, l'agence d'évaluation financière Moody's, la deuxième plus importante agence de rating du monde, avait dégradé la note souveraine du Maroc passant de "stable" à "négative" en raison de déficit public record enregistré par le royaume atteignant 7,1% du Produit intérieur brut (PIB) en 2012, contre 6,2% une année auparavant. L'agence de notation avait expliqué cette mauvaise note par le déficit courant du Maroc qui s'est rapproché de 10% du PIB l'année dernière "et restera probablement à un niveau élevé en 2013". Le PJD, vainqueur des législatives anticipées du 25 novembre 2011 avec 107 sièges sur 395 députés de la chambre des représentants, dirige une coalition gouvernementale comprenant des membres du Parti de l'Istiqlal (60 députés), du Mouvement populaire (MP, libéral 32 députés) et le Parti du progrès et du socialisme (PPS, ex-communiste, 18 sièges).