Les pays en développement, et principalement ceux d'Asie de l'Est et d'Amérique latine, abriteront d'ici 2030 la moitié des capitaux mondiaux, soit 158.000 milliards de dollars, contre un tiers actuellement, a indiqué jeudi la Banque mondiale. Dans un rapport de la BM qui étudie l'évolution probable des tendances en matière d'investissement, d'épargne et de mouvement de capitaux sur les vingt prochaines années, les pays en développement, qui ne représentaient qu'un cinquième des investissements mondiaux en 2000, devrait ainsi voir leur part tripler d'ici 2030. Les changements démographiques joueront un grand rôle dans ces mutations structurelles puisque la population mondiale devrait passer de 7 milliards d'habitants en 2010 à 8,5 milliards en 2030 tandis que les pays développés connaissent un vieillissement rapide. Dans son commentaire, M. Kaushik Basu, premier vice-président et économiste en chef de la BM, explique que l'expérience de pays aussi divers que la Corée du Sud, l'Indonésie, le Brésil, la Turquie et l'Afrique du Sud montre combien le rôle de l'investissement est crucial pour la croissance à long terme. Dans moins d'une génération, poursuit-il, l'investissement mondial (investissements directs, épargne et autres flux de capitaux...) sera dominé par les pays en développement, avec la Chine et l'Inde en tête et qui devraient assurer 38% des investissements bruts mondiaux en 2030. Soulignant que ces changements vont modifier le paysage économique mondial, le rapport note que le rattrapage des retards de productivité, l'intégration croissante dans les marchés mondiaux, la poursuite de bonnes politiques macroéconomiques ainsi que les progrès accomplis dans l'éducation et la santé ''sont autant de facteurs d'accélération de la croissance qui créent d'énormes opportunités d'investissement, lesquelles entraînent à leur tour une modification de l'équilibre économique mondial en faveur des pays en développement''. A cela s'ajoute l'explosion démographique de la jeunesse, qui contribuera aussi à doper l'investissement : la population globale des pays en développement devrait s'accroître de 1,4 milliard d'individus d'ici 2030, sachant que le bénéfice de ce ''dividende démographique'' n'a pas encore été totalement récolté, en particulier dans les régions relativement plus jeunes que sont l'Afrique subsaharienne et l'Asie du Sud, avance la BM. Les robustes taux d'épargne des pays en développement devraient culminer à 34% du revenu national en 2014 et enregistrer une moyenne annuelle de 32% jusqu'en 2030. Globalement, le monde en développement représentera 62 à 64% de l'épargne mondiale en 2030, soit entre 25.000 et 27 000 milliards de dollars, contre 45% en 2010. Toutefois, comme le souligne Hans Timmer, directeur du Groupe des perspectives de développement à la BM, ''malgré de hauts niveaux d'épargne, et pour être en mesure de financer leurs importants besoins d'investissements, les pays en développement devront à l'avenir accroître considérablement leur participation, actuellement limitée, aux marchés financiers internationaux s'ils souhaitent tirer parti des profonds bouleversements en cours''. Par ailleurs, les auteurs du rapport estiment que l'épargne continuera néanmoins à être dominée par l'Asie et le Moyen-Orient. Selon l'un des scénarios, en 2030, la Chine épargnera nettement plus que les autres pays en développement avec 9.000 milliards en dollars, suivie de loin par l'Inde avec 1.700 milliards, dépassant les niveaux d'épargne du Japon et des Etats-Unis dans les années 2020. A l'horizon 2030, la Chine devrait représente à elle seule 30% des investissements mondiaux, tandis que le Brésil, l'Inde et la Russie y contribueront ensemble à hauteur de 13%. En volume, les investissements bruts atteindront 15.000 milliards de dollars dans les pays en développement contre 10.000 milliards pour les pays à revenu élevé, sachant que la Chine et l'Inde représenteront près de la moitié des investissements mondiaux dans le secteur manufacturier. Le rapport ''met clairement en évidence le rôle croissant des pays en développement dans l'économie mondiale, et c'est incontestablement une avancée significative'', indique Maurizio Bussolo, auteur principal du rapport. La BM indique que pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA ), ces pays disposent d'une importante marge de développement du marché financier, susceptible de soutenir l'investissement mais aussi, en raison du vieillissement de la population, de réduire l'épargne. De ce fait, ajoute-t-elle, les excédents de la balance des opérations courantes pourraient baisser modérément jusqu'en 2030, en fonction du rythme du développement du marché financier. La région MENA ''est dans une phase de transition démographique relativement précoce qui se caractérise par une croissance encore rapide de la population générale et de la population active en même temps qu'une augmentation de la part des personnes âgées''. En Afrique subsaharienne, le taux d'investissement restera stable en raison d'une solide croissance de la population active. Selon le rapport, c'est la seule région qui n'enregistrera pas de baisse de son taux d'épargne dans l'hypothèse d'un développement modéré des marchés financiers, le vieillissement n'y étant pas un facteur significatif. Dans le scénario d'une croissance plus rapide, les pays africains plus pauvres connaîtront un développement plus marqué des marchés financiers et les investisseurs étrangers seront de plus en plus disposés à financer des investissements dans la région.