Le président américain Barack Obama a félicité mardi Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani, désigné nouvel Emir du Qatar après abdication de son père, une succession qui soulève des questions sur la nouvelle vision de la politique étrangère de cet émirat marquée, jusque-là, par un interventionnisme qui irrita plusieurs pays de la région. Dans son message de félicitations publié par la Maison-Blanche, le président américain considère que le Qatar est un ''partenaire important'' des Etats-Unis, et souhaite ''renforcer la coopération'' avec ce pays du Golfe, ''approfondir les liens'' entre les deux parties et poursuivre leur ''étroite collaboration'' sur les questions d'intérêt mutuel. L'annonce de la succession a suscité plusieurs commentaires de la presse américaine et des analystes qui estiment que cette abdication du cheikh Hamad ben Khalifa al Thani et la mise à l'écart attendue de son ministre des Affaires étrangères, Hamad bein Jassim al-Thani, ont surpris autant ses sujets que le monde. Dans son commentaire, le New York Times (NYT) rappelle que Cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, le père du nouvel Emir, a utilisé les richesses pétrolières et gazières de son petit pays pour ''modifier le cours des événements au Moyen-Orient, soutenir les rebelles en Syrie et en Libye'' notamment. Pour le quotidien new-yorkais, même si c'est un allié de Washington, Cheikh Hamad ben Khalifa al Thani ''a provoqué la colère de l'Occident en finançant les rebelles islamistes radicaux dans les différentes arènes'' notamment en Syrie. Cette décision d'abdication, poursuit-il, intervient alors que ''le chéquier du Qatar'' se fait sentir dans tout le Moyen-Orient, ce qui soulève des questions quant à savoir si le fils poursuivrait la ''politique interventionniste de grande envergure'' du Qatar conduite par son père. Alors qu'un expert de la Brookings Institution, Gregory Gause, assimile le financement de la politique interventionniste du Qatar à ''un coup de poing plus fort que le poids véritable'' de ce pays, le NYT évoque les ''inquiétudes'' des bénéficiaires de ces financements quant à savoir si l'émirat continuera à s'impliquer de manière ''aussi agressive et expansive'' comme il l'avait fait au cours de ces dernières années. Affirmant que les ambitions du Qatar ''ne correspondent pas toujours à ses capacités'' avec, notamment, un déficit chronique de diplomates, le quotidien new-yorkais considère qu'avec ''autant de fers mis dans plusieurs feux'' dans le sillage de sa politique interventionniste, ''le remplacement de l'Emir est un mystère''. Pour sa part, le magazine Time, qui explique les raisons de cette abdication, avance que le Cheikh Tamim sera mis sous les feux des projecteurs à un ''moment charnière'' pour le Qatar. En effet, note cet influent magazine américain, le Qatar ''a joué gros'' dans une tentative d'établir une ''proéminence régionale'', en menant la charge pour un changement de régime en Libye, en soutenant les groupes rebelles en Syrie et en accueillant à Doha le bureau des talibans afghans. Mais la tentative du Qatar à supplanter les puissances régionales comme l'Arabie Saoudite, l'Egypte et la Turquie à travers ''le cash et une politique étrangère pugnace'' s'est quelque peu retournée contre lui, constate-t-il. Alors que des pays comme la Libye et la Tunisie se montrent de plus en plus ''méfiants'' de ce qu'ils considèrent comme un soutien qatari aux groupes islamistes, les autres pays du Golfe perçoivent le Qatar comme un ''arriviste perturbateur et dangereusement proche des Frères musulmans'', affirme Time. De surcroît, ce qui semblait être un ''succès rapide'' des soulèvements arabes s'est transformé en un ''bourbier sanglant'', soutient-il. L'auteur de cette analyse du Time avance même que si le président syrien Bachar El Assad se maintiendrait à son poste, la position du Qatar dans la région, en dépit des milliards de dollars dépensés dans les armes et l'aide aux rebelles, serait ''irrémédiablement détériorée''. A cette fin, explique-t-il, l'émergence ''soudaine'' du Cheikh Tamim comme nouvel Emir pourrait être ce dont le Qatar a besoin pour ''se débarrasser de la mauvaise image'' que ce pays s'est collée durant ces dernières années.