Les ruchers à Batna semblent avoir perdu de leur superbe d'antan, le bourdonnement des abeilles, naguère audible à des dizaines de mètres à la ronde et qui est aujourd'hui difficilement perceptible, même à proximité des unités apicoles. La production de miel a connu, dans la foulée, un fléchissement notable, passant de 5.000 quintaux, la saison dernière, à 1.500 quintaux, admet-on à la direction des services agricoles, (DAS). Le chef du service de l'organisation de la production et du soutien technique à la DSA, Hammoudi Benramdane, estime que les conditions climatiques défavorables et leur impact sur la végétation sont derrière la régression de la production, dont les rendements sont passés, précise-t-il, de 20 kg à moins de 7 kg par ruche. Le rucher de la région des Aurès n'a pas résisté à la sécheresse conjuguée à la dégradation de la flore. Une situation qui a souvent conduit au découragement de nombreux apiculteurs qui ont préféré, avec leurs colonies d'abeilles, "partir voir ailleurs". La wilaya de Batna ne compte plus aujourd'hui que 57.000 ruches contre 70.000 il y a à peine quelques années, déplore M. Benramdane, ajoutant que parmi les 2.500 apiculteurs qui déposent leurs ruches dans cette région, on en compte actuellement que 350, les autres ayant dû changer de site. Dans le massif des Aurès, le miel est, à bien des égards, un produit de saison fort prisé pendant l'été tant et si bien que la plupart des apiculteurs réalisent pendant cette période leur chiffre d'affaires. A ce propos, Boukhlouf Mohamed, apiculteur et président de l'association El Djouala des apiculteurs, située dans la zone de T'kout, soutient que "la demande, très forte, ne peut pas malheureusement être satisfaite par la production actuelle". C'est d'autant plus dommageable, dit-il, que la qualité du miel de "mille fleurs" produit à T'kout a gagné en notoriété bien au-delà de la région des Aurès, ce qui lui vaut un engouement hors pair. "D'ailleurs, signale-t-il encore, la maigre récolte de l'année 2013 a entraîné une forte augmentation des prix sur le marché local puisque le prix est de l'ordre de 3.500 dinars/kg". La production moyenne sur les cinq dernières années n'est estimée qu'à 3.900 quintaux. Pourtant, il y a environ deux décennies, le rendement moyen par ruche avoisinait les 35 kg, rappelle M. Boukhlouf, soulignant que ce déclin est dû aux années de sécheresse suivies de périodes de forte pluviométrie, conduisant à une "perturbation de la flore mellifère". "Le plus ancien rucher traditionnel du pays risque de disparaitre", se lamente cet apiculteur avant de soutenir que l'association qu'il dirige n'a cessé de multiplier les initiatives "pour que le rucher de T'kout soit, au-delà de son intérêt apicole avéré, un haut lieu d'attraction touristique tant il constitue une des belles curiosités de la région". Hocine Berhaïl, apiculteur près du village de Chnaoura, non loin de T'kout, soutient de son côté que l'élevage traditionnel "prédomine à raison de 80%, d'où le faible niveau de technicité de la plupart des apiculteurs qui occupent massivement le domaine forestier sans tenir compte des exigences de l'élevage". Il considère également que les maladies "ne sont pas traitées de manière efficace et, plus grave encore, l'impact de ces contraintes est cette désorganisation du secteur puisque les associations qui existent peinent à se fédérer". Quoi qu'il en soit, un petit espoir pointe à l'horizon puisque le secteur apicole, encouragé et encadré par la DSA, semble connaître un regain d'intérêt, notamment après l'adoption et le développement de cette activité au Sud de Batna, notamment à Bitam, où l'apiculture enregistre un bond significatif à la faveur d'une bonne météorologie, l'introduction des ruches modernes et l'élevage de plusieurs espèces. Au moment où les investissements se multiplient pour un essor significatif des différentes filières agricoles, les apiculteurs de la région de Batna, autant que les intervenants institutionnels concernés et les consommateurs, "ont tout à gagner en œuvrant de concert pour rendre au rucher des Aurès son aura d'antan", estiment les apiculteurs.