Pays occidentaux et Russie étaient engagés dans un bras de fer sur la crise en Ukraine, les premiers haussant le ton face à la volonté de Moscou de recourir éventuellement à l'armée dans ce pays voisin, et le Kremlin se déclarant déterminé à "protéger les intérêts (de la Russie) et les populations russophones" vivant dans l'Est de l'Ukraine et en Crimée. La convocation pour dimanche, par l'Alliance atlantique d'une réunion d'urgence des 28 ambassadeurs de ses pays membres, avant une Commission OTAN-Ukraine prévue dans l'après-midi, a été l'acte "deux" d'une démarche diplomatique concernant les derniers développements en Ukraine. Elle a été précédée par une autre réunion d'urgence la veille, celle des ministres européens des Affaires étrangères à Bruxelles, lors de laquelle il a été question, dans l'acte "un", de l'envoi dimanche à Kiev du chef de la diplomatie grec (la Grèce occupe la présidence tournante de l'UE) pour y rencontrer les nouveaux dirigeants ukrainiens contestés par Moscou. Impact "profond" sur les relations américano-russes Dès samedi, les Etats-Unis avaient entamé des pressions sur la Russie en exigeant "le repli des forces déployées en Crimée" faute de quoi elle s'exposait à un isolement international et à un impact "profond" sur ses relations avec Washington. A la faveur d'un appel téléphonique de 90 minutes à son homologue russe, le président Barack Obama a appelé Vladimir Poutine à "faire baisser les tensions en repliant ses forces dans leurs bases de Crimée". Obama a même réuni samedi à Washington son équipe de sécurité nationale pour examiner les options politiques sur la table pour résoudre la crise en Ukraine. A l'instar des Etats-Unis, la Pologne, la Grande-Bretagne, le Canada et la France ont adopté un ton ferme, annonçant qu'ils pourraient renoncer à participer au G8 prévu en juin à Sotchi. Le Kremlin, à son tour a rendu compte de la conversation avec Obama, soulignant que Poutine avait déclaré à son homologue américain que la Russie se donnait le droit de "protéger ses intérêts et les populations russophones" en cas de "violences" dans l'est de l'Ukraine et en Crimée. M. Poutine a évoqué "la vraie menace pesant sur les vies et la santé des citoyens russes sur le territoire d'Ukraine" ainsi que "les actions criminelles des ultranationalistes soutenus par les actuelles autorités à Kiev", selon la même source. Samedi, Valentina Kazakova, responsable du Service fédéral des migrations de Russie (FMS) a indiqué que les Ukrainiens qui demandent l'asile ou souhaitent obtenir la citoyenneté russe a augmenté ces dernières semaines. "Les évènements tragiques en cours en Ukraine ont provoqué la croissance du nombre des demandes déposées auprès des organes territoriaux du FMS. Près de 143.000 personnes se sont adressées au service pendant la dernière quinzaine de février. Les régions russes voisines de l'Ukraine sont les plus touchées", a dit Mme Kazakova. Vladimir Poutine a demandé samedi aux élus du Conseil de la fédération (chambre haute du parlement) de l'autoriser a avoir "recours sur le territoire de l'Ukraine aux forces armées russes jusqu'à la normalisation de la situation politique dans ce pays". Cette demande a été approuvée par le Conseil réuni en session extraordinaire. Les accusations de Kiev contre Moscou Le recours aux forces de la Flotte russe basée en Crimée, forte de 20.000 hommes, aux termes d'un accord bilatéral signé entre Moscou et Kiev, ou l'envoi d'autres troupes depuis la Russie, est désormais entre les mains de M. Poutine. "C'est le président qui prend la décision. Pour le moment, il n'y a pas de décision en ce sens", a affirmé dimanche son porte-parole Dmitri Peskov. Les nouvelles autorités à Kiev ont accusé la Russie d'avoir déjà déployé des milliers d'hommes supplémentaires en Crimée. "La Russie a accru (le nombre de) ses troupes de 6.000 hommes" dans cette région autonome d'Ukraine ou Moscou dispose d'une importante base navale, a affirmé le ministre ukrainien de la Défense Igor Tenioukh. "Nous sommes persuadés que la Russie ne lancera pas d'intervention car cela signifierait la guerre et la fin de toute relation entre les deux pays", a mis en garde le Premier ministre Arseni Iatseniouk. D'autres, comme l'ancien champion du monde de boxe Vitali Klitschko, le parti nationaliste ukrainien Svoboda et le groupe d'extrême droite Pravy Sector, en première ligne de la contestation en Ukraine, ont appelé samedi à la "mobilisation générale". Plusieurs sites stratégiques en Crimée sont désormais sous le contrôle d'hommes armés et en uniformes, mais sans signe permettant de les identifier. Ils contrôlent les aéroports de Simféropol, capitale de la Crimée, de Sébastopol, de Kirovske, ainsi que le centre de Simféropol. Ils ont hissé le drapeau russe sur plusieurs bâtiments officiels. Signe d'inquiétude de cette tension, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a appelé samedi le président Poutine pour lui demander "d'entamer d'urgence un dialogue direct avec les autorités de Kiev". "Il faut que la sagesse l'emporte et le dialogue est le meilleur moyen de mettre fin à cette crise", a dit M. Ban dans un communiqué.