Confronté à son climat aride et semi-aride, l'Algérie a opté, entre autres mesures, pour la valorisation des eaux usées domestiques afin de préserver ses ressources conventionnelles et répondre aux besoins du secteur agricole qui pompe 65% des volumes disponibles. Actuellement, près de 800 millions de m3 d'eau épurée sont produits annuellement par les 165 stations d'épuration à l'échelle nationale, un volume qui devrait passer à un (1) milliard de m3 d'ici à cinq ans, indique à l'APS le directeur de l'assainissement et de la protection de l'environnement au ministère des Ressources en eau, Ahcène Aït Amara. "C'est un potentiel extraordinaire qu'il faut absolument valoriser étant donné que l'eau devient de plus en plus rare du fait des changements climatiques", souligne le même responsable. Mais faut-il aussi élargir l'utilisation des eaux usées épurées pour rentabiliser les investissements engagés dans ce créneau hydraulique sachant qu'une station de capacité moyenne (pour 150.000 habitants) coûte près de 4 milliards de DA. Pour rentabiliser cet investissement, un schéma directeur a été conçu par le secteur en 2007 avec des prévisions d'irriguer par les eaux recyclées une superficie de 100.000 ha à moyen terme contre 10.000 ha actuellement. De plus, le gouvernement compte porter la superficie des terres agricoles irriguées d'un (1) million d'ha actuellement à deux (2) millions d'ici cinq ans. "A partir de 2020, nous commencerons à avoir des superficies importantes irriguées à l'eau recyclée, et ce, à la faveur de la nouvelle donne du secteur d'introduire le mode de traitement tertiaire (traitements biologique et ultra-violet de l'eau) dans les Stations de traitement des eaux usées (Step)", prévoit le directeur de l'hydraulique agricole au ministère des Ressources en Eau, M. Omar Bougueroua. "Le passage au traitement tertiaire va nous permettre d'aller plus loin en matière d'irrigation de façon à utiliser cette eau pour irriguer d'autres cultures comme les maraîchers", selon cet agronome. Toutes les Step fonctionnent avec le système de traitement secondaire (traitement bilogique seulement), mais certaines, les plus importantes, vont passer au tertiaire comme celles de Baraki, de Réghaia et de Beni Messous (Alger) et d'El Karma à Oran. --Une eau de qualité cédée gracieusement-- Pour promouvoir cette eau auprès des agriculteurs, les deux secteurs chargés des ressources en eau et de l'agriculture comptent sensibiliser les utilisateurs en mettant en avant l'arsenal juridique et réglementaire existant. M. Bougueroua cite la loi relative à l'eau, qui représente le cadre général, et le décret exécutif portant sur les principes d'utilisation de ce nouveau produit, ainsi que des arrêtés ministériels. Il cite l'arrêté relatif à la fiche des normes comprenant les caractéristiques que doit avoir cette eau à la sortie des Step lesquelles disposent de laboratoires d'analyses, et le texte définissant les cultures à irriguer par type de traitement. Ainsi, le traitement secondaire est réservé uniquement à l'irrigation des arbres fruitiers et au fourrage. "Au niveau des services d'assainissement, nous fournissons cette eau dans les normes requises étant donné que toutes les stations disposent de laboratoires d'analyses dédiées au contrôle de l'eau qui sort de ces stations. C'est une eau produite dans les normes conformément aux normes de l'Organisation mondiale de la santé (OMS)", rassure M. Aït Amara. C'est une eau conforme qui peut être utilisée dans l'irrigation agricole à l'instar de ce qui se fait ailleurs dans le monde, ajoute-t-il. "Il faut que les utilisateurs sachent qu'en plus de la préservation de l'environnement, l'utilisation de cette eau permet d'économiser l'eau conventionnelle tout en diminuant la pression sur la nappe phréatique", insiste M. Bougaroua. Il constate, d'ailleurs, l'intérêt particulier qu'accordent les agriculteurs à cette eau cédée gratuitement, en citant des exemples de périmètres irrigués à l'eau usée épurée dans les vignobles à Boumerdes et ceux de Henaya (Tlemcen) pour les orangers ainsi que l'équipement en cours d'un nouveau périmètre de 5.000 ha à Oran. La politique de valorisation des eaux usées incite à réaliser les futures stations d'épuration en déterminant, au préalable, des objectifs bien ciblés: la préservation de la ressource conventionnelle, la protection de la mer méditerranée et la réutilisation de cette eau à des fins économiques. Autre produit d'assainissement à valoriser, les boues récupérées des stations d'épuration: "C'est un produit d'une excellente qualité à utiliser comme fertilisant", promet M. Aït Amara. Les stations opérationnelles produisent l'équivalent de 250.000 tonnes de boue/an, l'objectif étant d'atteindre 400.000 tonnes avec l'entrée en production des nouvelles Step. Une étude de valorisation de ces boues, menée avec la Corée du sud, a été d'ailleurs finalisée en vue de promouvoir ce produit. Par Fatma Hamouche