Les déclarations du secrétaire d'Etat américain John Kerry sur la nécessité de négociations avec le pouvoir syrien pour mettre un terme à la guerre en Syrie ont été qualifiées lundi par la presse syrienne de "reconnaissance de légitimité" du président Bachar el-Assad qui a appelé "à joindre les actes à la parole". Le président syrien a affirmé lundi, dans un bref commentaire à la télévision iranienne, que les Etats-Unis devaient joindre les "actes" à la parole, après les déclarations du secrétaire d'Etat John Kerry sur la nécessité de négociations avec le pouvoir syrien. "Nous écoutons toujours les déclarations, nous devons attendre les actes et à ce moment-là on décidera", a affirmé M. al Assad. "Au final, il faudra négocier" avec le gouvernement syrien, a déclaré M. Kerry dans une interview diffusée dimanche sur la chaîne de télévision CBS. "S'il (Bachar al-Assad) est prêt à engager des négociations sérieuses sur la façon d'appliquer Genève I, bien sûr", a répondu M. Kerry à une question s'il était disposé à parler au président syrien. "Nous l'encourageons à le faire", a-t-il également dit. C'est la première fois qu'un responsable américain est allé aussi loin pour reconnaître le rôle du président syrien, que les Occidentaux contestaient depuis le début du conflit en mars 2011. M. al Assad a indiqué que tout véritable changement de la communauté internationale envers le régime de Damas "devrait commencer par l'arrêt du soutien politique et militaire aux terroristes". "Nous n'avons pas le choix, nous devons défendre notre patrie", a-t-il ajouté. "Tout changement international qui intervient à ce niveau serait une chose positive, s'il est sincère et effectif", a-t-il poursuivi. Le conflit syrien s'est entré dimanche dans sa cinquième année avec un bilan humanitaire dramatique de 215.000 de morts et un nombre de déplacés dépassant la moitié de la population. Le conflit s'est aggravé suite à la prolifération de groupes terroristes, dont l'Organisation autoproclamée "Etat islamique" (EI/Daech) qui contrôle des parties entières en Syrie et en Irak. Le gouvernement américain, à la tête une coalition internationale contre Daech, se montrait face à cette nouvelle donne plus préoccupé par la lutte contre ce groupe extrémiste que de soutenir les rebelles contre le gouvernement syrien. M. Kerry avait affirmé, il y a dix jours, qu'"il n'y a pas d'autres priorités que de combattre Daech et les autres réseaux terroristes". La presse syrienne salue les déclarations de Kerry La presse syrienne s'est félicitée lundi des déclarations de John Kerry, jugeant qu'elles étaient une "reconnaissance de la légitimité" de Bachar al-Assad. Le journal Al-Watan estime que les propos de M. Kerry ouvrent "une nouvelle étape dans les négociations politiques". Il évoque la possibilité qu'un "émissaire américain" se rende "à Moscou le 6 avril pour participer aux efforts russes visant à trouver une solution à la crise syrienne". Les quotidiens syriens voient dans les déclarations de M. Kerry un revirement de la position de Washington, et "nouvelle reconnaissance de la légitimité du président al Assad, de son rôle clé, de sa popularité et par conséquent de la nécessité de négocier avec lui". Le journal Al-Baâth souligne "l'échec du projet américano-sioniste contre la Syrie" tandis que le quotidien officiel ath-Aoura se demande si les déclarations de M. Kerry sont "une reconnaissance (du président syrien) ou une tactique", tout en estimant que les "comploteurs" n'avaient "pas réussi à réaliser leurs objectifs en Syrie". Depuis le début du conflit, le gouvernement syrien a accusé les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, ainsi que les pays du Golfe et la Turquie de soutenir et de financer le "terrorisme" en Syrie. Un dialogue est urgent Des ONG ont condamné cette semaine l'"échec" des gouvernements du monde à trouver une issue à la guerre qui a coûté la vie à plus de 215.000 personnes et poussé la moitié des habitants à fuir leur domicile. La diplomatie est au point mort, après deux séries de négociations entre le gouvernement et l'opposition qui se sont soldées par un fiasco. Deux émissaires spéciaux ont jeté l'éponge et un troisième tente en vain de faire appliquer un gel des combats à Alep (Nord). L'incapacité de la communauté internationale à mettre fin au bain de sang alimente le sentiment d'amertume et d'abandon des Syriens, qui traversent selon l'ONU "la plus importante situation d'urgence humanitaire de notre ère". Des pourparlers entre le gouvernement syrien et l'opposition ont eu lieu à Genève au début de l'année dernière, mais les deux cycles de négociations n'avaient produit aucun résultat. Dans sa déclaration, M. al Assad a souligné que la décision concernant son départ ou non du pouvoir, revient au peuple syrien. "Ce qui se dit à l'extérieur ne nous concerne ni de près ni de loin", a-t-il martelé. Les dernières déclarations du chef de la diplomatie américaine, viennent quelque jours après celles faites par le patron de la CIA, John Brennan, qui a souligné la nécessité de sauvegarder l'Etat syrien. "Aucun d'entre nous, Russie, Etats-Unis, coalition (contre l'EI/Daech), Etats de la région, ne veut un effondrement du gouvernement et des institutions de Damas", a-t-il insisté. Ce revirement de position de la diplomatie américain intervient également pour renforcer les affirmations de l'Envoyé spécial de l'ONU pour la Syrie, Steffan de Mistura, selon qui, "le président al-Assad fait partie de la solution" pour mettre un terme à la guerre en Syrie.