Il ne fait pas de doute que le palais d'Ahmed Bey sera au centre de l'intérêt des visiteurs attendus sur le Vieux Rocher à partir du 16 avril prochain pour la manifestation ‘‘Constantine, capitale 2015 de la culture arabe''. Il ne fait pas de doute, non plus, que cette somptueuse réalisation, érigée et aménagée sur plus de 5.600 m2 à partir de 1826 à l'initiative du dernier représentant du Califat ottoman dans la Régence d'Alger, saura être digne de cet intérêt. Les yeux de tous ceux qui découvriront le palais, pour se plonger dans l'atmosphère feutrée et chargée d'histoire des lieux, ne manqueront pas de briller d'admiration devant l'architecture raffinée, les vastes jardins luxuriants, les arcades en voûte, les magnifiques palmiers. Des yeux qui brilleront davantage devant la polychromie du palais qui raconte tant de voyages. Le récit du long périple du maître des lieux La polychromie du beylicat de l'Est algérien orne, sur plus de 2.000 m2, les murs du palais d'Ahmed. Une fresque qui constitue un authentique document de référence relatant le long périple du maître des lieux et qui ‘‘ne peut que servir de précieuse référence aux chercheurs universitaires, aux hommes de culture et aux historiens, jure Mlle Chadia Benkhalfallah, directrice du musée national public des arts et expressions populaires qui a élit domicile au palais. Selon cette responsable, cette polychromie, qui n'a pas encore livré tous ses secrets, permet la datation et la lecture de différents événements historiques tels que les batailles auxquelles avait pris part le Bey aux côtés du Dey d'Alger, ainsi que ses différents voyages au Moyen-Orient. Elle constitue, en fait, un document à faire valoir et à mettre au service des universitaires, des étudiants, des historiens, des archéologues, des géographes, des urbanistes et autres architectes désirant acquérir des précisions en rapport avec l'époque et l'itinéraire parcouru et référencé par le dernier bey de Constantine. Sur cette étonnante fresque qui rend compte du périple entrepris par Ahmed Bey pour arriver aux Lieux Saints de l'Islam, l'on peut admirer Tunis et la Goulette, Tripoli, le port d'Alexandrie où mouillaient de luxueuses frégates et Le Caire avec ses mosquées. Quoique altérée par la main intruse de l'administration coloniale qui y avait superposé six autres couches, dénaturant l'originalité de la première qui reproduit les splendeurs de l'architecture orientale, l'oeuvre s'étend sur tous les murs intérieurs du palais, tel un album de bandes dessinées aux images riches et vives, grandeur nature et magnifiquement illustré. Comme un conte des Mille et Une Nuits Interprétant l'une des couches de cette polychromie qu'elle a étudiée et réussi à déchiffrer avec l'aide de cadres du personnel du musée, Mlle Benkhalfallah affirme que "Ahmed Bey avait entamé son voyage de 15 mois en 1818 alors qu'il était seulement Khalifa", c'est-à-dire 7 ans avant d'être désigné à la tête du Beylicat de l'Est. Il avait pris le départ de devant l'actuel pont de Sidi Rached, apparent sur la fresque, pour rejoindre La Goulette et la ville côtière de Radès, en Tunisie, puis Tripoli, en Libye, pour passer par l'île de Djebel Hassan en Arabie Saoudite. Les illustrations de cette oeuvre d'art, digne des contes des Mille et Une Nuits, montrent 44 étendards et drapeaux, trois mosquées, 78 espèces d'arbres, 36 voiliers, 66 frégates, de nombreuses maisons et différents types de bâtisses, simples ou surmontées de dômes, 69 minarets, 55 coupoles, 134 palmiers plusieurs expressions écrites dont 23 seulement sont lisibles, quatre espèces d'oiseaux, sept moulins à eau et à vent et quatre palais. L'on y distingue aussi les Lieux Saints de Médine et de la Mecque ainsi que les villes de Djeddah, d'Alexandrie, d'Istanbul (reconnaissable par la Mosquée Bleue aux six minarets) d'El-Ismaïlia, d'El Qostas (Le Caire), l'île Khalki et l'île Kandia sur la mer Egée. Comme la ville qui a vu naître, à Dar Oum Noun, Hadj Ahmed Bey Ben Mohammed Cherif, en 1786, le palais éponyme sera lui aussi, une oeuvre capitale de la culture arabe, en 2015 et au-delà. par Tahar Richi