Les craintes se multipliaient mercredi suite aux avancées sans précédent de l'organisation autoproclamée "Etat islamique" (EI/Daech) qui s'est emparé de la vaste province d'El Anbar en Irak et de la ville antique de Palmyre (Todmor) en Syrie, mettant à l'épreuve les armées des deux pays et la coalition internationale dirigée par les Etats-Unis. Depuis quelques jours, l'EI/Daech a pu imposer son emprise sur un vaste territoire qui s'étend de part et d'autre de la frontière syro-irakienne, une avancée qui a nourri des polémiques accusant, tantôt l'armée irakienne suite à sa retraite "chaotique" d'Al-Anbar, tantôt les Américains qui n'ont pas pu empêcher le groupe extrémiste de se renforcer malgré les milliers de raids aériens qu'a menés la coalition internationale dirigée par Washington depuis une année. Les gouvernement irakien et syrien, déjà affaiblis par des conflits internes, tentent actuellement de reprendre des territoires à l'EI/Daech en menant d'intenses combats accompagnés de raids aériens, mais des observateurs estiment que la tâche ne sera pas facile face à ce groupe ultra-radical qui contrôle 80% de la production d'or noir uniquement en Syrie, avec un budget qui dépasserait un milliard de dollars. En réaction, la coalition internationale va se réunir le 2 juin à Paris pour discuter d'une nouvelle stratégie anti-Daech. L'armée irakienne en quête de reconquérir Al-Anbar Les forces irakiennes, soutenues par des milices, a lancé la veille une opération destinée à isoler les éléments de l'EI/Daech dans la province d'Al-Anbar avant de tenter de reprendre sa capitale Ramadi. L'EI/Daech contrôle la majorité de la province d'Al-Anbar où il s'est implanté depuis janvier 2014, cinq mois avant l'offensive fulgurante qui lui a permis de s'emparer d'autres vastes régions à l'est et au nord de Baghdad. Le Premier ministre irakien, Haider Al-Abadi, a fait appel aux Unités de mobilisation populaires et a promis de reprendre aux extrémistes cette région, qui s'étend des limites de la région de Baghdad aux frontières syrienne, saoudienne et jordanienne. Les forces armées soutenues par les milices et les tribus, sont parvenues ces derniers jours à reprendre une partie du territoire à l'est de Ramadi et à avancer au sud et à l'ouest de la ville. Cependant les extrémistes se sont probablement préparés à une attaque en disposant des explosifs un peu partout à Ramadi, comme il le fait dans chaque ville conquise. Syrie: les combats font rage L'armée syrienne pilonnait depuis lundi des positions de Daech, qui contrôle désormais près de la moitié du pays, autour de Palmyre, mais les éléments du groupe progressent jusque dans le désert syrien, frontalier de l'Irak. Ils seraient en passe de prendre le contrôle du site pétrolier de Jezel, non loin de Palmyre. Selon une source militaire, l'armée de l'air syrienne a frappé plus de 160 objectifs de Daech, tuant et blessant des extrémistes et détruisant des armes et des engins équipés de mitrailleuses dans le périmètre de Tadmour (nom arabe de Palmyre). Les opérations militaires se poursuivaient dans le périmètre de la localité d'al-Sokhna, de Tadmor, des champs gaziers d'al-Hel et Arak et sur toutes les routes qui mènent vers la ville antique, selon la même source. Toutefois, ces frappes n'ont pas empêché l'EI/Daech d'avancer en direction de Damas et de prendre d'importantes mines de phosphate, à 70 km au sud de Palmyre. "Le groupe extrémiste a étendu son contrôle sur des zones plus vastes encore et de grand intérêt économique", a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Par ailleurs, les milices kurdes syriennes ont chassé mercredi les éléments du groupe de 14 villages chrétiens assyriens qu'ils contrôlaient dans le nord-est de la Syrie à l'issue d'une offensive de 10 jours. Mardi, dans le camp Yarmouk dans le sud de Damas, des éléments de Daech et d'Al-Qaïda ont mené des attaques contre des factions palestiniennes, visant à reprendre des positions qu'ils avaient perdues lors de précédents combats. Le gouvernement syrien, qui combat simultanément les rebelles, Daech et Al-Qaïda, a subit ces derniers mois une série de revers militaires, accompagnés de la perte de contrôle sur la quasi-totalité des champs pétroliers et gaziers de Syrie après la prise de deux champs gaziers près de Palmyre. Révision de la stratégie anti-Daech La situation actuelle en Irak et en Syrie est un constat sévère, qui va certainement pousser la coalition internationale anti-Daech, dirigé par les Etats-Unis, à revoir sa stratégie et penser à d'autres moyens "plus efficaces" pour faire face à cette menace grandissante, estiment les observateurs. Quelque 24 ministres ou représentants d'organisations internationales se réuniront mardi prochain à Paris pour évoquer "l'ensemble de la situation en Syrie et en Irak". En outre, l'Irak, allié de Washington, va recevoir "très bientôt" un millier de systèmes de missiles antichars de la part des Américains qui souhaitent accélérer la formation des tribus sunnites pour qu'elles aident à reprendre Ramadi, chef-lieu d'Al-Anbar aux extrémistes. Par ailleurs, le Premier ministre irakien Haider al-Abadi s'est, pour sa part, rendu à Moscou pour demander une aide militaire russe face aux extrémistes. L'an dernier, l'Irak avait reçu de la Russie une première livraison d'avions de combat Sukhoi pour l'aider face aux extrémistes qui se sont emparés de larges pans du territoire. Concernant la Syrie, les Occidentaux parlent, d'ores et déjà, d'une éventuelle reprise des discussions entre le gouvernement et l'opposition pour chercher une solution politique et relancer un processus sur la base de Genève1, c'est-à-dire un gouvernement de transition et le départ du président Bachar al- Assad. C'est dans ce sens que le président russe Vladimir Poutine et le Premier ministre britannique David Cameron ont convenu, lors d'un entretien téléphonique, sur la relance des pourparlers de paix sur la Syrie. Par Ali KEFSI