L'opposition au Burundi poursuivait mercredi sa mobilisation contre un troisième mandat du président, Pierre Nkurunziza, jugeant également "impossible" la tenue la semaine prochaine des élections législatives et municipales, en raison du "désordre" dans le pays, alors que la communauté internationale, sur fond d'inquiétude, tente d'empêcher une aggravation de la situation dans ce pays des Grands Lacs. Malgré les troubles et les violences qui secouent le Burundi, le pouvoir persiste dans son attitude jusqu'au-boutiste en maintenant, pour la semaine prochaine, les élections législatives, appelant la population à la "solidarité nationale". Plus tôt dans la journée, des centaines de manifestants ont marché et érigé des barricades dans la ville de Matana, à 70 km au sud-est de Bujumbura, dans la province de Bururi, en signe de contestation populaire contre le président Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005 et, par ailleurs, candidat à un troisième mandat à la faveur du vote prévu le 26 juin prochain. Au moins deux manifestants ont été blessés, alors qu'un troisième a été tué par balles suite à l'intervention de la police, qui a également procédé à l'arrestation d'autres manifestants, selon des une source administrative locale. Depuis un mois, le pays connaît un vaste mouvement de contestation populaire, où les manifestations sont quasi quotidiennes, émaillées de violents heurts avec la police, provoquant la mort d'une trentaine de personnes. Descentes punitives dans un contexte alarmant La veille au soir, au moins une personne avait été tuée lors d'une descente d'"Imbonerakure" (ligue de jeunesse du CNDD-FDD, le parti au pouvoir) en civil, dont certains étaient armés, selon des habitants. Selon un leader du mouvement anti-troisième mandat, Pacifique Nininahazwe, ce "phénomène Imbonerakure prend de l'ampleur" depuis plusieurs jours, avec des "opérations punitives", dans les quartiers contestataires, menées par des membres présumés du groupe, considéré par l'Onu comme "une milice". Parfois armés de grenades et d'armes de poing, ces assaillants "viennent tous de Kamenge", un quartier nord de Bujumbura acquis au CNDD-FDD, et sont presque toujours accompagnés de policiers lors de leurs "descentes" pour faire face aux manifestants, a accusé M. Nininahazwe. Désordre politique et sécuritaire dans le pays Estimant que les conditions nécessaires au bon déroulement des élections générales au Burundi, prévues le 5 juin, ne sont pas réunies d'autant que le "désordre politique et sécuritaire" s'est emparé du pays, l'opposition a appelé la communauté internationale à ne pas "cautionner" ce "hold-up électoral". "La tenue des campagnes électorales ainsi que l'organisation des scrutins sont impossibles. Il ne peut y avoir qu'un hold-up électoral qui est en train d'être mis en avant par le président Nkurunziza", a alerté l'opposition, craignant une "guerre civile" au lendemain des élections. Les législatives et les municipales avaient déjà été reportées d'une dizaine de jours sous la pression internationale. Suivront ensuite une présidentielle, le 26 juin, et des sénatoriales le 17 juillet. Inquiétude et mobilisation, le dialogue voie "incontournable" Pour tenter de dénouer la crise, les dirigeants des pays de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) se réuniront une nouvelle fois dimanche en Tanzanie, à Dar es Salam. "Tous les chefs d'Etat vont venir", y compris celui du Burundi, selon l'EAC, qui estime que le dialogue est une voie "incontournable" pour un retour de la stabilité. De son côté, l'Envoyé spécial du Secrétaire Général de l'Onu dans la Région des Grands Lacs, Said Djinnit, a assuré que le "dialogue" est la solution qu'il faut pour résoudre la crise politique au Burundi, exhortant toutes les parties aussi bien du côté pouvoir et du gouvernement que du côté opposition et société civile à faire preuve de retenue en vue de maintenir l'esprit de concertations. "Nous sommes confiants que c'est par la reprise des pourparlers qu'on pourra aller vers la recherche de solutions aux problèmes qui sont sur la table", a soutenu M. Djinnit. M. Djinnit facilite l'ouverture du dialogue avec des représentants de l'Union Africaine (UA), de l'EAC, du Marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA), et de la Conférence Internationale sur la Région des Grands Lacs (CIRGL). De son côté, la présidente de la Commission de l'UA, Dlamini-Zuma, a plaidé pour la création de "conditions requises" pour la tenue d'élections véritablement libres et transparentes et préserver les acquis fondamentaux enregistrés grâce à l'Accord d'Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi, dont l'UA et d'autres acteurs internationaux sont garants. Par ailleurs, plusieurs pays occidentaux, tels que les Etats-Unis et la Belgique - l'ancienne puissance coloniale -, se sont clairement prononcés contre un troisième mandat de M. Nkurunziza. La France a, pour sa part, annoncé le gel de sa coopération sécuritaire sur tout ce qui concerne la police et la défense, un geste symbolique, selon les observateurs, mais qui isole encore un peu plus le pouvoir burundais. Par Ramdane TAMANI