L'accord de paix a enfin été signé mercredi à Juba par le président sud-soudanais Salva Kiir, tandis que la communauté internationale a appelé l'ensemble des parties au "respect intégral" et à l'application "rapide" de cet accord censé mettre fin à 20 mois de troubles et violences au Soudan du Sud. Neuf jours après sa ratification par les rebelles, le président Kiir a signé le document devant les médiateurs de l'Igad (Autorité intergouvernementale pour le développement en Afrique de l'Est) tout en déclarant: "la paix que nous signons aujourd'hui contient tellement de choses que nous devons rejeter (...) Ignorer de telles réserves ne serait pas dans l'intérêt d'une paix juste et durable". Dénonçant des "dispositions néfastes" de l'accord, M. Kiir a remis aux médiateurs et aux dirigeants de la région un document de 12 pages contenant les réserves de son gouvernement. Il n'a pas précisé sur quels points portaient les réserves, mais assuré que celles-ci seraient publiées incessamment. Cet accord "n'est ni la Bible, ni le Coran, pourquoi ne pourrait-il pas être réexaminé?", a poursuivi M. Kiir, "donnez-nous du temps pour voir comment on peut corriger ces choses", a-t-il ajouté, bien que les médiateurs eurent affirmé que l'accord était définitif et non modifiable. Selon des responsables sud-soudanais, la démilitarisation de Juba ou la large représentation accordée aux rebelles dans le cadre du partage du pouvoir local dans l'Etat pétrolier du Haut-Nil posent notamment problème. -Un poste de "Premier vice-président" aux rebelles L'accord de paix prévoit notamment un mécanisme de partage du pouvoir, durant une période transitoire de 30 mois, attribuant entre autres un poste de "Premier vice-président" aux rebelles, c'est-à-dire probablement à Riek Machar, que Salva Kiir avait limogé de son poste de vice-président six mois avant que n'éclate la guerre civile. Le document impose également un cessez-le-feu permanent d'ici 72 heures et le départ sous 45 jours des troupes gouvernementales étrangères, c'est-à-dire des troupes ougandaises combattant aux côtés des forces loyales à M. Kiir. Cet "Accord de résolution du conflit au Soudan du Sud" a été signé le 17 août à Addis Abeba par l'ancien vice-président Riek Machar, chef des rebelles qui affrontent les forces gouvernementales depuis décembre 2013. M. Kiir avait refusé de faire de même ce jour-là et réclamé 15 jour pour des "consultations". M. Kiir avait également dénoncé "les messages d'intimidation" à son encontre, faisant référence aux menaces de sanctions agitées par la communauté internationale, excédée par le manque de résultats d'interminables négociations à Addis Abeba, n'ayant accouché que d'une série de cessez-le-feu jamais respectés. Le Soudan du Sud, plus jeune Etat du monde, a proclamé son indépendance en juillet 2011 après des décennies de conflit contre Khartoum. Il a replongé dans la guerre en décembre 2013, quand des combats ont éclaté au sein de l'armée sud-soudanaise, minée par les dissensions politico-ethniques alimentées par la rivalité entre MM. Kiir et Machar à la tête du régime. Le conflit a fait des dizaines de milliers de morts et chassé 2,2 millions de Sud-Soudanais de leurs foyers. Le chemin vers la paix "sera difficile" La signature de l'accord de paix par les protagonistes a été vivement saluée par la communauté internationale, l'Union africaine et l'ONU en tête. Tout en saluant dans cet accord "un pas essentiel dans les efforts visant à mettre fin au conflit", la présidente de la Commission de l'UA, Nkosazana Dlamini-Zuma, a exhorté les belligérants à "se conformer scrupuleusement à ses dispositions et à les appliquer avec sincérité". Pour sa part, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a estimé que la signature par le président sud-soudanais de l'accord de paix "est une étape critique et nécessaire vers la fin de ce conflit qui a dévasté le Soudan du Sud et soumis son peuple à une souffrance sans nom". M. Ban a aussi déclaré que le prochain défi pour les dirigeants du Soudan du Sud serait de mettre en oeuvre l'accord de paix. "La route sera difficile", a-t-il averti. L'Union européenne (UE) a, elle aussi, salué la signature de l'accord de paix au Soudan du Sud la qualifiant de "pas important" vers la stabilisation du pays. Elle a appelé au cessez-le-feu dans le pays et à "surmonter tous les obstacles à l'acheminement des aides humanitaires" aux populations affectées par le conflit. Et la Maison Blanche a immédiatement appelé au respect intégral de cet accord. "Le président Kiir a pris la bonne décision en signant l'accord de paix", a souligné Josh Earnest, porte-parole du président Barack Obama. "Mais nous devons être très clairs", a-t-il ajouté aussitôt. "Les Etats-Unis et la communauté internationale ne reconnaissent aucune réserve ou ajout à ce document", a-t-il ajouté appelant l'ensemble des parties à respecter l'accord mais aussi à "travailler à la résolution du conflit et à la reconstruction du pays".