La réalisation et la concrétisation de la paix, tributaire de la cohésion entre individus et du "vivre en harmonie" avec "l'Autre", était au coeur des débats des premières Journées internationales de philosophie d'Alger organisées les 17 et 18 octobre autour du thème "Autrui". L'universitaire Razika Adnani, fondatrice de ces journées, a balisé d'emblée les débats en soulignant tout l'intérêt de délimiter l'espace d'épanouissement "privé" et "protégé" propre à chacun pour atteindre la cohésion sociale. Contrairement à la sphère publique, cet espace devrait être, selon l'universitaire, à l'abri de toute intrusion, jugement ou diffamation de la part d'autrui qui peut exercer une sorte de "supériorité" acquise par un pouvoir politique, économique ou des interprétations religieuses. Poursuivant son raisonnement, elle affirme qu'un travail philosophique, "à la portée de tous", empreint de sagesse et rejettant tout égoïsme, est apte à combattre toute forme d'agressivité envers l'Autre qui peut être différent du "stéréotype imposé" et par la même atteindre la cohésion sociale tissée par des relations apaisées entre individus. Dans le droit fil de cette analyse, l'universitaire Leila Tennci, responsable du Centre de documentation en philosophie, psychologie et histoire (Cdes) à Oran, regrette d'assister à une "dictature du refus de l'Autre différent" dans un contexte d' "absence de rationalité" et de "banalisation de la violence". Cette universitaire plaide, au contraire, pour la "rencontre et le dialogue avec la diversité et la différence" pour enrichir, dit-elle, sa vision du monde et affirmer son individualité mise en danger par le repli sur soi ou la vie en communauté fermée, deux tendances qui peuvent conduire, assène-t-elle, à la "perte progressive de l'identité" d'un individu. Pour Leila Tennci aussi, la concrétisation de la paix entre individus ou entre les peuples est une "émanation" de la sagesse, du dialogue et autres valeurs philosophiques. Les conflits intérieurs, au sein d'une même communauté ou avec soi même, déteignent forcément sur les rapports avec autrui et sapent tout effort de cohésion, dit-elle. Ces rencontres étaient également l'occasion d'évoquer l'enseignement de la philosophie, de "piètre qualité", de l'avis des intervenants et du public essentiellement composé d'universitaires à ces journées qui ont recommandé une "éducation précoce" à la construction philosophique de la pensée dans les écoles, contrairement à la pratique actuelle où la philosophie n'intervient qu'au cycle secondaire. L'importance du dialogue avec l'Autre, une nécessité soulignée par l'ensemble des intervenants aux débats a également été relevée par Mohamed Moulfi, enseignant à l'université d'Oran, qui place le dialogue comme "condition première à toute dynamique de transformation et d'évolution politique" et tout rapport de gouvernant à gouverné. Inaugurées samedi, les premières Journées internationales de philosophie d'Alger, qui ont rassemblé une dizaine d'universitaires algériens, ont pris fin dimanche avec la volonté des organisteurs d'en faire un rendez-vous annuel.